lundi 13 mai 2024

Julien des Montiers, « Dessus/Dessous »

 


Suquet des Artistes, Cannes

Jusqu’au 22 septembre 2024



Une aventure dans le corps de la peinture


C’est à une exploration de la peinture elle-même que nous convie Julien des Montiers à travers 45 œuvres somptueuses bien au-delà de la réflexion théorique qu’elles supposent. S’il s’attache à en dévoiler les mécanismes, c’est toujours à travers le travail sur une matière vivante et tumultueuse que l’artiste traque l’image. Dans ses tours et détours, elle circule dans les méandres de l’histoire de l’art pour en faire jaillir les ombres et les lumières, les signes et les figures toujours saisis dans l’hésitation de l’abstraction et de la figuration.

Rien d’aride dans cette œuvre très diverse par la multiplicité des supports - toile, tapisserie et même le sol. A partir d’un signe arbitraire et neutre, l’artiste fait subir à l’idée de représentation un traitement qui révèle l’impensé de la peinture: Celle-ci est ici une peau que le peintre arrache ou recouvre dans un processus d’extraction de l’image à partir de strates opposées. Des damiers de cubes cinétiques se trouvent recouverts par des figures d’animaux fabuleux ou d’images populaires telles celles de Fantomas. Toujours dans un même protocole répétitif où le pinceau n’est plus à l’origine de l’œuvre, Julien des Montiers s’attaque au corps d’une peinture à coup de spatules pour en extraire la sève. Le fond géométrique se dispute alors à l’intensité expressive et la revendication de l’idée se confronte à la séduction ornementale. Avant que la matière ne sèche, le peintre la creuse, l’arrache ou la façonne pour y faire adhérer une image préalablement calquée sur du plexiglas. Tout un processus se réalise depuis ce transfert de l’empreinte jusqu’à ce que la figure surgisse et, parfois hors du cadre, dans l’épaisseur même du mur entrouvert. Elle se transforme alors en cheval ou en licorne à moins qu’elle ne se dissolve dans une abstraction tellurique où le sang de la couleur se dispute à la chair de l’huile quand celle-ci se fige et s’épaissit.

De cette aventure d’une lutte entre le dedans et le dehors, l’image ne dit pas ce qu’elle est et n’est pas ce qu’elle dit. A nous de la traquer au-delà de l’artifice merveilleux de la couleur qui imprègne les griffures balafrant telle figure ou dans l’explosion du rouge ou du bleu dans l’épaisseur de la nuit. «La terre est bleue comme une orange», écrivait Paul Eluard et, comme le poète, le peintre transgresse le réel par le jet sidéral des couleurs complémentaires et la peinture nous ouvre alors à d’autres mondes qui déchirent les apparences. Julien des Montiers en dévoile la trame. Le bleu et l’orange bouleversent l’espace et la peinture irrigue notre univers de sa magie avant qu’il ne se peuple de ces créatures réelles ou imaginaires issues de siècles d’art et de fiction. Mais ce que cette œuvre incandescente proclame c’est la vitalité d’une peinture toujours à recommencer.




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