Musée National Fernand Léger, Biot
Jusqu’au 18 novembre 2024
Traduire le réel implique de saisir celui-ci à sa source, de le penser dans son interaction avec l’ensemble des éléments fondamentaux. Aussi l’exposition présentée conjointement par le Musée Léger et le MAMAC de Nice, s’ouvre-t-elle sur cette relation essentielle à la nature par le biais de cette couleur pure que défendra Léger et que Yves Klein glorifiera dans une métaphysique d’une fusion de l’art et de la vie. C’est en 1980 que Pierre Restany signe le manifeste du Nouveau Réalisme qui s’ouvre à une «aventure des objets», et on retrouvera ici, par exemple avec Villeglé ou Tinguely, une approche poétique du quotidien liée à une réflexion sociologique. Affiches lacérées, accumulation d’outils ou rouages de machines comme objets symboles du monde technologique, s’offrent désormais en totale autonomie du «sujet créateur».
Pourtant les nouveaux réalistes ne se limitent pas à ce mouvement mais à tous ces autres artistes qui, à l’instar de Léger, prônent une couleur pure et des aplats de dessins dans la simplicité des lignes et des courbes, celle qu’on retrouvera plus tard chez les américains du Pop Art comme Lichtenstein ou Robert Indiana. D’une salle à l’autre, c’est donc un parcours dans l’art du XXe siècle qui se déroule, marqué par cet optimisme et ce dynamisme coloré hérités de Léger. Cet élan qui contredit la banalité du quotidien imprègne chaque œuvre et nous permet de percevoir ces liens qui unissent des artistes très différents mais associés dans une même démarche. Au cœur de celle-ci, le réel.
Avant ce qu’on appelle aujourd’hui "l’art moderne", l’objet ne se lit qu’en tant qu’élément d’un décor ou par sa fonction symbolique. Vanités ou natures mortes les dépouillent de toute réalité matérielle pour ne les charger que d’une idée voire d’une âme. Or il ne s’agit plus désormais d’imiter l’objet avec des effets illusionnistes mais plutôt de se confondre à lui et de définir l’œuvre d’art elle-même comme objet à part entière, libéré de toute contrainte autre que sa propre critique sur l’art qu’elle implique. Le mouvement Fluxus et une belle installation de Ben illustrent cet instant où la pensée, le mot et la matière se confondent dans l’immédiateté du geste. Car le beau est partout et Keith Haring qui s’illustra aussi dans cet art du quotidien avec des objets de consommation largement diffusés, déclara: «Mes dessins ne tentent pas d’imiter la vie, ils tentent de créer la vie, de l’inventer.» A l’artiste inspiré par des Muses, voici que leur succèdent des bricoleurs qui s’acharnent joyeusement à changer le monde.
Dans ces moments où l’inquiétude règne, où le monde se fissure, une telle exposition nous offre un instant de liberté quand humour et gravité se confondent, quand la beauté rime avec la solitude des choses et que le bonheur est à ce prix. Voici donc plus d’une centaine d’œuvres de Léger et de 22 artistes qui lui rendent hommage dans une même présence au monde et dans leur filiation aux recettes plastiques qui furent la sienne - le cerne du dessin, la franchise de la couleur, la frontalité d’un message accessible à tous.
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