MAC
VAL, Vitry-sur-Seine
Jusqu'au
30 août 2020
L'art contemporain ne serait-il
plus que celui d'un présent continuel, nourri seulement de sa seule
présence et du protocole que chaque artiste s’attribue pour s'y
établir ? A ce présent qui s'illusionne en espace, répondent
l'ensemble des conjonctures humaines et sociales auxquelles
s'accrochent autant d'utopies pauvres dans l’imaginaire, ineptes
dans la réalisation d'une œuvre. Aussi faudrait-il plutôt parler
d'un « art contemporaire » qui se contemplerait dans son
miroir, hermétique au monde réel par son obsession du catalogue, de
l'archive, comme s'il s'agissait de le numériser pour en filtrer
toutes les scories se rattachant encore à une histoire de l'art et à
la réalité des êtres. Pris souvent dans les rets d'une
reconnaissance institutionnelle, d'un refus esthétique et d'un
projet marchand, c'est art là permet pourtant à certains artistes
de s'émanciper de ce cadre imposé pour proposer un espace qui
inscrit fortement, sans pathos et sans illusion, le poids du réel
dans le temps.
« L'avant-dernière
version de la réalité », telle est cette citation de
Borges sur laquelle s'ouvrent les travaux du duo d'artistes Brognon
Rollin. Comme chez Borges, il y a là les dérives d’une
enquête, les jeux de miroir et les labyrinthes. Mais aussi ce temps
implacable où on se cogne et ce réel qui s'étoile en de multiples
fragments quand on s'y confronte. Brognon Rollin, dans des œuvres
très diverses, parvient à désactualiser le réel pour l'intégrer
à ce « réalisme magique » qu'on attribua à Borgès.
Quand
est-il du réel hors de toute représentation ? Par quelle
perception et quelle système de pensée peut-on l'appréhender ?
Et qu'en est-il de la mémoire ? Toute l'exposition au MAC VAL
semble répondre à cet enjeu si sensible de l'art d'aujourd'hui.
Mais l'originalité de ce duo d'artistes est de saisir cette
représentation, de biais, par le reflet, la singularité de la
marge. Aussi le réel est-il en prise avec les addictions, les
enfermements et les écumes de la nuit. Ceci s'enchevêtre dans des
lignes de fuite nimbées de brutalité et de poésie. Nos artistes
parlent beaucoup du temps et les objets en sont ici les écailles.
Chaque œuvre contient ce glissement secret entre le réel et ce
temps qui s'arrête quand elle est accomplie. C'est par la magie que
le réel se donne ici à voir sans concession.