vendredi 13 mars 2020

« L'avant-dernière version de la réalité », Brognon Rollin



MAC VAL, Vitry-sur-Seine
Jusqu'au 30 août 2020



L'art contemporain ne serait-il plus que celui d'un présent continuel, nourri seulement de sa seule présence et du protocole que chaque artiste s’attribue pour s'y établir ? A ce présent qui s'illusionne en espace, répondent l'ensemble des conjonctures humaines et sociales auxquelles s'accrochent autant d'utopies pauvres dans l’imaginaire, ineptes dans la réalisation d'une œuvre. Aussi faudrait-il plutôt parler d'un « art contemporaire » qui se contemplerait dans son miroir, hermétique au monde réel par son obsession du catalogue, de l'archive, comme s'il s'agissait de le numériser pour en filtrer toutes les scories se rattachant encore à une histoire de l'art et à la réalité des êtres. Pris souvent dans les rets d'une reconnaissance institutionnelle, d'un refus esthétique et d'un projet marchand, c'est art là permet pourtant à certains artistes de s'émanciper de ce cadre imposé pour proposer un espace qui inscrit fortement, sans pathos et sans illusion, le poids du réel dans le temps.
« L'avant-dernière version de la réalité », telle est cette citation de Borges sur laquelle s'ouvrent les travaux du duo d'artistes Brognon Rollin. Comme chez Borges, il y a là les dérives d’une enquête, les jeux de miroir et les labyrinthes. Mais aussi ce temps implacable où on se cogne et ce réel qui s'étoile en de multiples fragments quand on s'y confronte. Brognon Rollin, dans des œuvres très diverses, parvient à désactualiser le réel pour l'intégrer à ce « réalisme magique » qu'on attribua à Borgès.
Quand est-il du réel hors de toute représentation ? Par quelle perception et quelle système de pensée peut-on l'appréhender ? Et qu'en est-il de la mémoire ? Toute l'exposition au MAC VAL semble répondre à cet enjeu si sensible de l'art d'aujourd'hui. Mais l'originalité de ce duo d'artistes est de saisir cette représentation, de biais, par le reflet, la singularité de la marge. Aussi le réel est-il en prise avec les addictions, les enfermements et les écumes de la nuit. Ceci s'enchevêtre dans des lignes de fuite nimbées de brutalité et de poésie. Nos artistes parlent beaucoup du temps et les objets en sont ici les écailles. Chaque œuvre contient ce glissement secret entre le réel et ce temps qui s'arrête quand elle est accomplie. C'est par la magie que le réel se donne ici à voir sans concession.



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