NMNM, Villa Paloma, Monaco
Du
7 au 20 mai 2020
En ouvrant le monde de l'image
et de l'imaginaire vers d'autres perspectives que les modèles de la
sculpture ou de la peinture, l'art contemporain s'est emparé de
l'histoire qui les avait établis sur ce seul piédestal. Sans renier
les éclairs de sens ou de beauté qui fusent ici et là dans des
pratiques anciennes lorsqu'elles s'actualisent au monde
d'aujourd'hui, beaucoup d'artistes se saisissent désormais des
techniques ou des expérimentations qui furent celles des maîtres du
passé pour les adapter aux contraintes et aux apports des nouvelles
technologies.
Eugène
Frey, peintre méconnu né en
1864, fut l' inventeur des « décors lumineux à
transformations » qui, essentiellement à Monaco,
révolutionnèrent le spectacle. Comme avant lui, Vinci ou la
« camera oscura » avaient déjà ouvert la voie à des
champs d'expérimentation optique qui restèrent trop souvent
invisibles dans l'histoire de l'art. L'artiste est désormais un
créateur qui ne se contente plus de « montrer » sur une
toile ou devant une scène mais celui qui exhibe l'envers du décor,
les coulisses où s'élabore la trame d'une autre visibilité.
L'exposition
du NMNM de Monaco permet ainsi de reconsidérer l'image à travers
son envers et les systèmes illusionnistes qui la produisent.
L'artiste portugais Joao Maria Gusmao s'attache
ici à réactiver l’œuvre d'Eugène Frey
par un dialogue entre son travail et les innovations de celui qui
créa un dispositif inédit pour, à l'arrière du décor de l'Opéra,
installer des agencements sophistiqués de projections pour ajouter
au spectacle vivant l'incidence de l'image animée. C'est en effet au
XIXe siècle que celle-ci prend son essor avec la photographie et les
ancêtres du cinéma, les lanternes magiques, le théâtre d'ombre,
la superposition de plaques de verre peintes à la main pour créer
des effets de mouvement qu'Eugène Frey accentue ou analyse à l'aide
de jeux de projecteurs. Placés derrière la toile de fond de la
scène, ils permettent au spectateur une sensation de relief qui
l'introduit dans une autre perception du réel.
Les
documents présentés, les matériels utilisés comme la complexité
d'une machinerie de déplacement sur rails pour les projections, sont
le point de départ des productions de Joan Maria Gusmao. A partir
d'une approche phénoménologique, il recompose l'espace physique du
lieu et son contenu scientifique essentiellement à partir de
projecteurs de diapositives. Il transforme les silhouettes découpées
en ombres chinoises et les automates des anciennes animations en flux
lumineux et en images nouvelles comme conjonction du dehors et du
dedans, du concret et de l'abstrait. Pourtant il ne s'agit plus tant
d'analyser l'image que les degrés de perception qui permettent de
l'appréhender. Et s'il existe une métaphysique de l'image, la
physique renvoie à ses seules conditions matérielles. Toute la
scénographie répond ici à cette radiographie exploratrice de
l'image avec la présence de nombreux acteurs, des pionniers du
cinéma comme Mélies
ou cette performance dans une vidéo de Lourdes Castro
avec les rituels de la lenteur d'un corps velouté. L'iconographie
romantique du XIXe siècle avec ses figures médiévales et ses
paysages tourmentés se confronte à l'art d'aujourd'hui pour une
aventure pleine de surprises.
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