samedi 15 février 2020

« Variations », Les décors lumineux d'Eugène Frey. Présentés par Jao Maria Gusmao



NMNM, Villa Paloma, Monaco

Du 7 au 20 mai 2020


En ouvrant le monde de l'image et de l'imaginaire vers d'autres perspectives que les modèles de la sculpture ou de la peinture, l'art contemporain s'est emparé de l'histoire qui les avait établis sur ce seul piédestal. Sans renier les éclairs de sens ou de beauté qui fusent ici et là dans des pratiques anciennes lorsqu'elles s'actualisent au monde d'aujourd'hui, beaucoup d'artistes se saisissent désormais des techniques ou des expérimentations qui furent celles des maîtres du passé pour les adapter aux contraintes et aux apports des nouvelles technologies.
Eugène Frey, peintre méconnu né en 1864, fut l' inventeur des « décors lumineux à transformations » qui, essentiellement à Monaco, révolutionnèrent le spectacle. Comme avant lui, Vinci ou la « camera oscura » avaient déjà ouvert la voie à des champs d'expérimentation optique qui restèrent trop souvent invisibles dans l'histoire de l'art. L'artiste est désormais un créateur qui ne se contente plus de « montrer » sur une toile ou devant une scène mais celui qui exhibe l'envers du décor, les coulisses où s'élabore la trame d'une autre visibilité.
L'exposition du NMNM de Monaco permet ainsi de reconsidérer l'image à travers son envers et les systèmes illusionnistes qui la produisent. L'artiste portugais Joao Maria Gusmao s'attache ici à réactiver l’œuvre d'Eugène Frey par un dialogue entre son travail et les innovations de celui qui créa un dispositif inédit pour, à l'arrière du décor de l'Opéra, installer des agencements sophistiqués de projections pour ajouter au spectacle vivant l'incidence de l'image animée. C'est en effet au XIXe siècle que celle-ci prend son essor avec la photographie et les ancêtres du cinéma, les lanternes magiques, le théâtre d'ombre, la superposition de plaques de verre peintes à la main pour créer des effets de mouvement qu'Eugène Frey accentue ou analyse à l'aide de jeux de projecteurs. Placés derrière la toile de fond de la scène, ils permettent au spectateur une sensation de relief qui l'introduit dans une autre perception du réel.
Les documents présentés, les matériels utilisés comme la complexité d'une machinerie de déplacement sur rails pour les projections, sont le point de départ des productions de Joan Maria Gusmao. A partir d'une approche phénoménologique, il recompose l'espace physique du lieu et son contenu scientifique essentiellement à partir de projecteurs de diapositives. Il transforme les silhouettes découpées en ombres chinoises et les automates des anciennes animations en flux lumineux et en images nouvelles comme conjonction du dehors et du dedans, du concret et de l'abstrait. Pourtant il ne s'agit plus tant d'analyser l'image que les degrés de perception qui permettent de l'appréhender. Et s'il existe une métaphysique de l'image, la physique renvoie à ses seules conditions matérielles. Toute la scénographie répond ici à cette radiographie exploratrice de l'image avec la présence de nombreux acteurs, des pionniers du cinéma comme Mélies ou cette performance dans une vidéo de Lourdes Castro avec les rituels de la lenteur d'un corps velouté. L'iconographie romantique du XIXe siècle avec ses figures médiévales et ses paysages tourmentés se confronte à l'art d'aujourd'hui pour une aventure pleine de surprises.




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