Villa Arson, Nice
Du 14 février au 3 mai 2020
Entre autobiographie et roman, la salle d'exposition
préfigure un récit de forme étoilée où se formulent les
confluences et les détours de la modernité et de la tradition dans
le contexte de la société indienne d'aujourd'hui. Le trajet conçu
par Shailesh BR peut se concevoir comme un projet de compréhension
sur cet écart entre le présent et le passé, l'orient et l'occident
et ce « dernier Brahmane » qu'il convoque, c'est aussi
donc une part de nous-mêmes. Au sommet de la pyramide sociale et
religieuse, ce Brahmane, à l'instar de l'intouchable qu'il ne peut
côtoyer, est condamné à la détermination de sa caste. Ce présent
continuel, exempt de toute rupture et de tout progrès, condamne
l'homme à se soumettre à son hérédité et à un destin social. De
l'art traditionnel à l'art d'aujourd'hui, les formes de
représentation sont toujours aussi le miroir d'un conflit.
L'artiste indien s'installe donc dans un espace qu'il
investit physiquement mais aussi dans le temps même de l'exposition et de sa durée.
Un présent de vie répond à l'éternité d'un présent. Et à
l’indéfini d'un commencement ou d'une cause, il propose un état
des choses comme autant de métaphores pour une simple méditation
sur l'état du monde. L'espace est alors cartographié selon un
parcours où le rituel se conjugue aux traces de la modernité. Des
sculptures cinétiques mêlent machines et ingrédients
traditionnels, tels que la paraffine des bougies ou les pigments
safranés, le curry et tous les indices attachés aux symboles de
l'Inde.
L'exposition se contemple dans l’éclosion de cet espace
dont le microcosme serait peut-être à percevoir dans la multitude
des fleurs de lotus en paraffine jaune. Chaque pièce au mur ou sur le
sol contient une anecdote toujours communautaire sans que l'individu
n'ait jamais prise sur sa propre vie. Les indices abondent, la
matérialité des objets traditionnels se cogne à des machines qui
ne désirent rien. Le conflit est larvé, il ne se formule pas et
l'artiste trace un chemin entre spiritualité et liberté dans un déroulement parfois implacable et douloureux. Chaque
pièce présentée distille à la fois une poussière du monde et la globalité
de celui-ci. Chacune proclame un rejet de toute ségrégation et
l'ensemble invoque la nécessité de la conversation et de l'échange.
Au-delà de sa subtilité, l’œuvre de Shailesh BR répand son
rayonnement dans un lieu qui répond à son étrangeté. Mais ici nul
n'est pourtant étranger, ni dans une caste, ni dans une nation. L'art sert
aussi à rassembler.
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