Jusqu'à sa mort en 1991, Guy Bourdin utilisa la
photographie non pour s 'emparer du réel mais pour le
transformer. Pour cela il investit la publicité et la mode en en
déjouant les codes et les conventions, en ne s'interdisant rien pour
puiser dans tous les méandres de l'imaginaire. Corps et décors se
toisent alors, se confondent ou se désunissent : Tout l'art de
Guy Bourdin réside dans cette fascination du corps en décalage avec
son environnement. Souvent réduite à une prothèse, une jambe ou
une main, la synecdoque renvoie alors à un paysage mental que le
spectateur recompose. On pense à Magritte, à ses inversions de
sens, à ses compositions en creux pour mettre à plat le mystère de
chaque chose. Le photographe joue de l’illusionnisme et de
l'outrance, l'image est décadrée, la sophistication est à son
comble, la couleur jubile, l'inspiration surréaliste se livre
librement entre humour et provocation.
Grâce à Man Ray, il collabora durant une trentaine
d’années au magazine Vogue. Il révolutionna la photographie de
mode en substituant à sa finalité commerciale et à la seule
présence du produit, un imaginaire cinématographique. Chaque image
contient un récit, une béance irriguée par des fantasmes qui
transforment le spectateur en voyeur et le photographe en metteur en
scène fétichiste pour des chaussures de Charles Jourdan et pour des
objets de bien d'autres marques. Dans l'univers séduisant de la
publicité, Guy Bourdin introduisit le sexe et la violence. Dans les
coulisses du luxe et de la beauté, le sang mauvais du rêve griffe
l'image. Le vernis rouge d'un ongle ou d'une chaussure explose dans
la douceur d'un paysage. La répétition d'un même motif souligne
l'angoisse obsessionnelle. Douceur du poison et part maudite sont ici
tapies au cœur de la beauté.
Plus qu'un photographe Guy Bourdin fut un explorateur
de l'image. Il travailla sur sa forme, il la décomposa pour en
extraire sa substance et la nourrir de ses propres fantasmes. Si
l'image publicitaire idéalise l'objet, Guy Bourdin parvint à le
rendre désirable par sa seule lumière sombre et la troublante
irruption de l'imaginaire.
Musée de la photographie Charles Nègre, Nice
jusqu'au 26 janvier 2020