MAYDAY,
MAYDAY, MAYDAY, un signal de détresse auquel on ne pourra peut-être
répondre que par le secours de l'art et de la poésie.
« Je
dirai quelque jour vos naissances latentes » écrivait Rimbaud
dans « Voyelles » pour associer chacune d'elles à l'une
des fulgurances de la vie. Le poète énonçait alors tout à la fois
les prémisses d'un dévoilement et de l'élaboration d'un langage.
Dans cette même perspective énigmatique d'une relation entre un
signe et un « événement », Liselott Johnsson, dans son
installation « Mayday, Mayday, Mayday », reprend cette
interaction de la couleur et de la forme pour la replacer dans le
contexte de l'histoire de la peinture abstraite. Non celle du corps
et de ses pulsions mais dans celle de la pensée, d'une réflexion
sur la création et la validité d'un code linguistique.
Pourtant cette œuvre ne se prétend aucunement théorique, elle
ambitionne plutôt à raviver chez le spectateur la réflexion sur
ce rapport entre la couleur et un système géométrique. Ainsi
l'artiste crée-t-elle un vocabulaire où chaque lettre est associée
à un carré habité d'un signe coloré qui, culturellement, fait
allusion à des systèmes bien définis -signalisation dans les
transports, par exemple dans le Code international des signaux
maritimes, mais aussi dans d'autres domaines tels que le High
Capacity Color Barcode développé par Microsoft. Si l’œuvre de
Liselott Johnsson nous incite à penser ces systèmes visuels qui
agissent sur nous sans que même nous ayons à les analyser, elle en
souligne les aspects décoratifs et architecturaux. La couleur et le
signe portent en eux la construction d'un sens et incite le
spectateur à une réaction individuelle et sociale. Dans
l'élaboration d'un langage plastique arbitraire et d'un code visuel
pour désigner un mot, l'artiste nous éclaire sur l’ambiguïté
fondamentale de ce ce que nous tenons comme acquis naturellement
quand tout ne procède que d'une construction culturelle.
L'artiste nous renvoie aux signes premiers, aux langages primitifs et
à ceux que nous connaissons mais sans les comprendre et les interpréter.
Comment percevoir alors le réel, comment obéir à ses injonctions
ou comment le transformer ? Quel est sur lui le pouvoir de
l'artiste et quelles sont les limites de la création ? Voici
donc une œuvre réfléchie qui se livre en toute clarté, dans
l'exigence d'une ouverture à la poésie par la seule sérénité de
la forme et de la couleur. L'ombre lumineuse de Rimbaud, la
puissance de sa synesthésie règnent ici. Nous nous immergeons avec
ravissement dans ce langage inconnu.
Moving Art Gallery, Nice, jusqu'au 29 juin 2019
Artiste suédoise et américaine, Liselott Johnsson, est née à Uddevalla en Suède en 1967. Elle vit et travaille à Nice depuis 2016. Elle a suivi une formation en architecture et en art dans des écoles renommées en Europe et aux Etats-Unis. Elle possède un Master of Fine Arts in Visual Arts, ainsi qu’un Master en Architecture. Ses œuvres ont été présentées dans de nombreuses galeries d’art, musées, et espaces publics aux Etats-Unis et en France comme au Museum of Contemporary Art of Georgia, Atlanta, USA; Muhlenberg Public Library NYPL, New York, USA; Brooklyn Fire Proof/Temporary Storage Gallery, Brooklyn, NY, USA ; Glass Cube @ Hotel Indigo, Athens, Georgia, USA; Gertrude Herbert Institute of Art, Augusta, Georgia, USA; Boston Public Library, Boston, Massachussetts, USA ; Steffen Thomas Museum of Art, Madison, Georgia, USA; Monastère de Saorge, Alpes-Maritimes, France.
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