Souvent
une exposition collective se réduit à la juxtaposition d’œuvres
résultant d' une opportunité de circonstance. Un thème
unificateur ne suffit pas toujours à construire un récit chargé d'
un concept et d'une forme au point que le schéma narratif lui-même
en devienne illisible. L'intérêt de l'exposition « Azimuth »
, au-delà de la qualité et de la pertinence des pièces exposées,
réside dans leur mise en scène au travers d'une démarche commune.
Encore faudrait-il parler plutôt de « marche » puisque le
projet naquit à partir d'une randonnée en montagne de sept artistes
dont chacun rapporte ici un témoignage à travers des pratiques très
diverses. Les uns se référant explicitement à l'idée de nature,
les autres au souvenir, au collectif ou à des errances hors du
chemin, et pourquoi pas vers la mer. Anne-Laure Wuillai nous
propose ainsi des pièces d'une extrême pureté dans la palpitation
des vagues ou le silence profond de l'eau. L'histoire du blanc et du
bleu entre saturation et disparition. Il s'agit donc pour tous ces
artistes de restituer une expérience humaine et esthétique, d'en
écrire une histoire commune.
Le
défi est parfaitement relevé : Les œuvres se greffent entre
elles sans hiatus et, au contraire, la personnalité de chacune joue
sur le registre du merveilleux tant l'assemblage est subtil et
s'enrichit parfois même par le fait de son incongruité. Camille
Frach-Guerra parvient à tisser un fil conducteur entre les
espaces de la galerie et les œuvres en jouant sur la lumière, le
grand écart des formats, les souvenirs, une chose anodine, une
coquille d'escargot par exemple, et surtout le rappel de voyages dans
lesquels la biographie se mêle au documentaire. La mise en scène
devient un spectacle en elle-même et, ici, les œuvres ne cessent de
s’interpeller, de se confronter mais surtout de se sourire.
Histoire d'amitiés, d'ironies et de différences. Omar Rodriguez
Sanmartin laisse de jeunes pousses d'arbres dans la neutralité
noire de leur pot de plastique qui se mesurent à l’horizontalité
de la lame d'une hache. Cette humilité poignante, métaphore de la
vie et de la mort, interpelle le spectateur dès la vitrine dans la
rue où d'autres arbres se reflètent. L'espace se dilate, tous
azimuts, entre réalité et rêverie. On y croise d'étranges
architectures qui se réalisent par imprimante 3D (Florent
Testa), des photographies immersives dans une nature onirique ou
dans leur spontanéité vers un retour ironique aux origines (Benoît
Barbagli). Le paysage est une construction de l'esprit, il y a en
lui de l'écriture, du fragment, de l'inachevé, voire du vide à
rebours de la pensée qui l'aurait fait naître. C'est ce que
développe Evan Bourgeau tandis
que Tom Barbagli
en figure l'exploration à partir d'objets improbables. La
convivialisé est ici de mise dans ces temps où, en art comme
ailleurs, l'individualisme domine. Dans cette nature réelle, rêvée
ou sublimée, un brin de nostalgie transparaît alors. Cette
quête d'une nature à l'instar d'un paradis perdu ne parle-t-elle
pas aussi d'une perte de notre humanité ?
« Azimuth »,
Benoît Barbagli, Tom Barbagli, Evan Bourgeau, Camille Franch-Guerra,
Omar Rodriguez Sanmartin, Florent Testa, Anne-Laure Wuillai
Galerie
Eva Vautier, Nice
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