mercredi 1 mai 2019

Chourouk Hriech, "Chaque temps en efface-t'il vraiment un autre?"




Le Narcissio, Nice, jusqu'au 20 juillet 2019


                      Parfois l'espace s'offre à nous dans l'évidence de ses angles, de ses ouvertures ou de son cloisonnement mais il suffit pourtant d'un rien pour que tout ceci vacille comme si un corps étranger, invisible, s'en emparait pour le formuler autrement. Et si ce « rien » résidait dans le pouvoir de l'artiste quand, avec discrétion, il déjoue nos codes perceptifs et introduit dans la réalité d'un espace le trouble d'une image qui agit sur lui de façon quasi virale ?
Chourouk Hriech redessine l'espace du Narcissio. Elle en souligne les arêtes, les angles, le décalage des murs, les volumes qui s’additionnent ou se déboîtent. Les murs sont alors parfois recouverts de gouache ou de feutre. Le noir et blanc s'impose dans toute sa monumentalité et dicte ses propres lignes de fuite. Les barres verticales et les diagonales sont tendues à l'extrême. Des dessins à l'encre de Chine, encadrés, redoublent ces images à moins qu'ils ne les déjouent comme si un corps étranger s'en emparait pour introduire dans l'espace réel cet imaginaire qui en serait la radiographie.
Ici le lieu se confronte à l'image d'un environnement urbain et d'une stricte géométrie mais les effets de miroir entre l'espace réel et l'image sont comme dévitalisés par des ornements végétaux. Un artifice répond à un autre. La localisation est incertaine, allusion à la Thaïlande, au Maroc et à l'exotisme : sortir du cadre, brouiller nos repères, créer de nouvelles perspectives, oser des trouées dans le réel.
Dans ces dessins l'humain a déserté le décor. Nulle échappée n'est possible. L'imaginaire est saisi dans cet instant où nulle fiction ne le contamine encore. Il est dans sa nudité nue, cet espace à remplir tel que les dessins le soulignent : Des fenêtres ouvertes ou closes dans l’absorption de la lumière, des angles morts, l'ossature vertigineuse d'une perspective. Le visiteur est saisi par cette trajectoire étrange d'un réel qui serait faussement décalqué par l'image et qu'il pénètre comme par effraction. Il prend alors conscience que si l'artiste dessine au seuil de la fiction dont, en creux, il n'en définirait que le cadre, le visiteur lui, investit le lieu de son propre récit. Dans ces jeux de miroirs, les pays des merveilles sont traversés, les figures et les identités s'estompent : Qu'en est-il d'un récit ? Où se trouve l'artiste ? Où sommes-nous ? Ou bien, pour reprendre le titre de l'exposition : « Chaque temps en efface-t-il vraiment un autre ? »





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