Le Narcissio, Nice, jusqu'au 20 juillet 2019
Parfois
l'espace s'offre à nous dans l'évidence de ses angles, de ses
ouvertures ou de son cloisonnement mais il suffit pourtant d'un rien
pour que tout ceci vacille comme si un corps étranger, invisible,
s'en emparait pour le formuler autrement. Et si ce « rien »
résidait dans le pouvoir de l'artiste quand, avec discrétion, il
déjoue nos codes perceptifs et introduit dans la réalité d'un
espace le trouble d'une image qui agit sur lui de façon quasi
virale ?
Chourouk
Hriech redessine l'espace du Narcissio. Elle en souligne les
arêtes, les angles, le décalage des murs, les volumes qui
s’additionnent ou se déboîtent. Les murs sont alors parfois
recouverts de gouache ou de feutre. Le noir et blanc s'impose dans toute
sa monumentalité et dicte ses propres lignes de fuite. Les barres verticales et les diagonales sont tendues à l'extrême. Des dessins à
l'encre de Chine, encadrés, redoublent ces images à moins qu'ils ne
les déjouent comme si un corps étranger s'en emparait pour
introduire dans l'espace réel cet imaginaire qui en serait la
radiographie.
Ici
le lieu se confronte à l'image d'un environnement urbain et d'une
stricte géométrie mais les effets de miroir entre l'espace réel et
l'image sont comme dévitalisés par des ornements végétaux. Un
artifice répond à un autre. La localisation est incertaine,
allusion à la Thaïlande, au Maroc et à l'exotisme : sortir du
cadre, brouiller nos repères, créer de nouvelles perspectives, oser
des trouées dans le réel.
Dans
ces dessins l'humain a déserté le décor. Nulle échappée n'est
possible. L'imaginaire est saisi dans cet instant où nulle fiction
ne le contamine encore. Il est dans sa nudité nue, cet espace à
remplir tel que les dessins le soulignent : Des fenêtres
ouvertes ou closes dans l’absorption de la lumière, des angles
morts, l'ossature vertigineuse d'une perspective. Le visiteur est
saisi par cette trajectoire étrange d'un réel qui serait faussement
décalqué par l'image et qu'il pénètre comme par effraction. Il
prend alors conscience que si l'artiste dessine au seuil de la
fiction dont, en creux, il n'en définirait que le cadre, le visiteur
lui, investit le lieu de son propre récit. Dans ces jeux de miroirs,
les pays des merveilles sont traversés, les figures et les identités
s'estompent : Qu'en est-il d'un récit ? Où se trouve
l'artiste ? Où sommes-nous ? Ou bien, pour reprendre le
titre de l'exposition : « Chaque temps en efface-t-il
vraiment un autre ? »
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