vendredi 26 avril 2019

Jean-Marc Calvet, "A la croisée de nos chemins"




Parce qu'elle se refuse apparemment au filtre de la pensée et qu'elle se confronte d'emblée au spectateur dans un face à face tendu, la peinture de Jean-Marc Calvet s'affirme dans sa puissance redoutable. Sa frontalité brutale s'impose comme le miroir grimaçant de ce que nous sommes, et au-delà de l'image sous-jacente de la violence qu'elle nous renvoie, nous sommes saisis par cet humanisme qui semble comprimé dans un chaos de formes et de couleurs. L'humanité entière se condense dans l'espace clos de la toile. Et si les figures le saturent, le visage humain dans sa version primitive, presque animale, le plus souvent au centre de la toile en est le principe organisateur. Il crée un ordre symétrique qui se charge  d'une multitude de signes, d'indices ou d’icônes comme si, dans le cerveau, les mots refluaient vers des formes archaïques, des mythes fédérateurs en amont de tout discours.
Voici une peinture universelle à la fois populaire et cultivée, simple et complexe, qui parle de notre animalité, de nos angoisses, de notre énergie folle à nous soustraire à toutes les chaînes. Elle parle de cette liberté que porte l'art quand celui-ci se refuse à tout destin pour condenser tout un flux de mémoire qu'il interprète à sa guise et met en scène une dramaturgie de la couleur et de la forme alors que tout est encore en gestation.
Si de prime abord on peut penser à la peinture de Basquiat ou à celle des artistes du Street art, l'univers de Calvet est pourtant fort différent: Ce n'est pas tant à une extériorité psychologique et sociale, ni à un décor ou même à un désir d'expressivité qu'il s'attache mais plutôt à revenir aux sources du langage pictural. Une peinture qui se déporte au-delà de l'actualité ou du temps. Si le visage humain est omniprésent, il est lacéré par une multitude d'images qui l'enserrent dans une trame étouffante. Les yeux sont partout, hypnotiques, carnavalesques, rappels de civilisations perdues. Les doigts sont des pointes lacérées comme des étoiles. Les bouches exhalent un rire sans objet. L'infini du ciel pénètre le corps, la couleur est une éruption de la vie. Le feu couve en chaque chose, en laisse jaillir la lave et, si tout se désarticule et se fond, pourtant quelque chose de l'ordre d'une autre grammaire, d'une nouvelle forme lexicale, se construit ici. C'est bien d' art "singulier" dont il s'agirait aussi  puisque le peintre y perçoit une forme de thérapie personnelle qui l'aura délivré de ses blessures et de ses tourments.  Et c'est parce que l'artiste parvient de façon très personnelle à se saisir de l'univers, à en traduire l'énergie à travers celle du corps, qu'il nous livre une œuvre littéralement saisissante.

Riviera Galerie, Nice jusqu'au 20 juin 2019




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