Villa Henry, Nice
Malgré l’apparente polysémie du mot « épreuve », une constante surgit au détour d’une étymologie dans laquelle s’enracine l’idée d’ "éprouver " comme on le dirait pour un sentiment mais aussi pour cette relation plus sèche au réel quand il s’agirait de soumettre celui-ci à la question de la vérité.
Voici donc Florent Mattei photographiant le couple subissant l’épreuve du temps et qui , au-delà des identités qui la figurent, se trouve réduit à un enlacement tendre, à l’esquisse d’un baiser dans un temps suspendu. Dans un cadrage serré et anonyme, les couples déploient leur gestuelle convenue dans un clair obscur subtil comme pour désigner cet arrière fond obscur et incertain qui serait celui du temps.
Cette obscurité du temps soutient l‘ensemble et le questionne; elle devient le véritable sujet de " l‘épreuve" photographique. Là surgissent ces seules présences, sans passé, sans anecdotes, sans psychologie. Comme si à cette question du temps l’artiste renvoyait à l’idée même du cliché et se mesurait à ce que celui-ci rend néanmoins de visible: En quoi les choses sont-elles déjà contenues dans les rites qui les accompagnent? Que voyons-nous déjà avant même de voir réellement quand la photo met à plat le monde, quand une scène de mariage reste une scène de mariage, quand nous persistons à voir ce que nous voulons voir alors que notre regard procède des codes qui l’ont programmé et le déterminent?
C’est bien pourtant dans cet écart entre l’identité et la différence que se trame le cadre fusionnel des corps et des sentiments. L’incertitude agit dans cette scénographie si éprouvée mais c'est pourtant elle qui donne à l’amour sa vraie dimension. Comme s’il existait une histoire de l’amour ,dans son universalité, avant même que des êtres ne ne la rencontrent et ne la racontent. Ainsi ,à l’inverse de cet instant décisif qui hantent tant de photographes, Florent Mattei explore la durée et photographie le temps.Chaque image est ce moment d'universalité mais aussi un instant de vie et, espérons le, d'amour.