Villa Cameline, Nice
Quel autre lieu aurait pu
mieux accueillir l’œuvre de Frédéric Ballester que la villa Cameline ? L’artiste
s’en saisit avec jubilation et gravité. Architecte, il en explore les
fondations, les angles tordus, l'environnement et les lignes. Peintre, il en médite les
couleurs, les matières et les reliefs secrets. Écrivain aussi, il sait faire parler
les stucs, les lézardes, les murs défraîchis par le temps.
Irrigué de ses fractures
en lesquelles résonne un passé qu’on devine romanesque, l’artiste pénètre cet
espace, se l’approprie, nous conduit dans le dédale de ses cicatrices d’où s’extraient
des fantômes qu’on imagine, qu’on invoque. Car si l’artiste confronte des
photographies de détails architecturaux ou décoratifs avec la transparence de
la couleur, c’est surtout une histoire qui se dessine pour des présences
diffuses qui se disputent à l’abandon. D’une œuvre à l’autre, une mémoire se
crée ou bien se reconstruit et l’artiste s’en imprègne autant qu’il la fait sienne.
Il en saisit les pulsations, la syntaxe, tout ce qui se donne pour récit avant
même toute énonciation. Le mystère, le charme douloureux, le jet de couleur juxtaposé
à la réalité photographique signent en creux les germes d’une fiction où l’ombre
se dispute à la lumière. Ou bien s’agirait-il aussi de l’artiste qui s’incorpore
à un lieu qui devient temps quand l’émotion suinte de toute part dans le silence
de l’œuvre ?
La relation au passé s’établit
également par la présence de travaux anciens imprégnés par l’influence de
Support Surface. Les rapports de construction et de déconstruction, la mise à
nu de la peinture et de ses constituants comme sa relation à l’espace, renforcent cet itinéraire biographique qui se donne pour fiction. Ici l’économie
brute du matériau, les lignes incisives, se heurtent à une certaine
dramatisation de la couleur. On y lit encore ce tracé, cette ligne de vie d’un
artiste qui tient son horizon, l’habite et parvient à le faire vivre sans s’abandonner
à de seules préoccupations plastiques. Toujours puissante et sincère, l'oeuvre, avec splendeur, circule dans chaque recoin de la villa. Dans un tel silence qu'on aurait peur qu'elle se réveille. Paradoxe?
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