lundi 16 mai 2016

Jean Von Luger, "dust over dust"

                

Galerie Helenbeck, Nice


                     La surface sur laquelle la peinture se répand ou se projette n’est ni neutre ni insignifiante; elle est sensible, elle absorbe couleur et lumière, elle module le miroitement du blanc et du noir: le gris s’y dépose, s’y blottit ou s’y hérisse tel une peau vivante dont nous éprouvons les frissons.
                 Cette enveloppe sensuelle qui  diffuse son intensité sensible,  ne repose cependant sur aucune relation de corps à corps avec la toile. D’ailleurs celle-ci n’encadre aucune finalité et n’a d’autre ambition que d’être la découpe d’un instant; ni frontière ni pause dans l’acte de peindre, elle n’est que l’empreinte d’un laps de temps qui se mesure à  une totalité spatiale. Entre la toile, la peinture et l’artiste s’opère ainsi une triangulation énigmatique, suspicieuse et silencieuse.
                  Aussi la peinture de Jean Von Luger est-elle beaucoup plus complexe quand elle prétend, en apparence,  se livrer au premier regard.  L’artiste impose sa distance  vis-à-vis du support. S’il travaille avec la bombe des graffeurs c’est pour maintenir un éloignement comme pour permettre à la toile de trouver sa respiration. Loin de l’expressivité voire de la violence du street art, nous voici conquis par la douceur, le velouté d’une vaporisation subtile qui maintient une forme de neutralité entre l’artiste et la toile. "De la poussière sur la poussière": Ne se déposent ici que d'infimes fragments d'un vide rêvé... Une peinture mallarméenne!

                 Ici l’artiste ne décline aucune note émotive de même qu’aucune tentation narrative ne parcourt l’œuvre. Celle-ci demeure rétive à tout pathos, à tout discours, fut-il même celui de la plus sèche abstraction. Aucun fantôme de signe ne surgit ici dans l’intervalle inutile d’une représentation. Nous  ne sommes désormais livrés qu'à la pure volupté d’un environnement sensible.
                Jean Van Luger réalise cette performance d’une poésie sans mot et sans chose.  Il nous abandonne à ce langage  poudroyant de points et de taches,  à l’intérieur de cette zone grise qu’il contemple et dans laquelle il nous entraîne à travers ses plis et ses reflets comme autant de méandres qui nous conduiraient à la découverte de la peinture.




        

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