samedi 26 mars 2016

Patrick Walworth

           


                           L’art est un combat. Sans doute est-ce pour cela que son dépassement ou sa mort ne cessent  de hanter  celui qui s’y soumet. Ou bien veut-on demeurer radicalement insoumis, en marge de l’art comme de toute métaphore, et prendre à la gorge le réel, ne revendiquer que l’acte de ce combat par des images et des mots,et aussi soumettre ceux-ci à la question, les torturer. Car l’art reste inclus dans la société; il  contient les germes de sa contamination, il les diffuse; il n’est pas exempt de corruption. Peut-être même, s'il en est le vecteur, représente-t-il le blason de ce mal extrême… Et, plutôt que de se dire "Patrick Walworth", autant alors se nommer « Les arts abolitionnistes ».

                         Arrivé il y a peu de son Texas natal , Patrick Walworth ne cessera de prendre pour cible la violence intrinsèque du social dans toutes ses composantes, et bien au-delà du politique. Toute structure sociale est métastasée et la violence de la police rebondit sur la camaraderie, les rapports de sexe, la religion, les politiciens, les groupes sociaux. Le mal est tissé de stéréotypes qui interdisent toute rémission.
                        Très jeune, Patrick Walworth se forme à la photographie et livre de superbes clichés pris en studio qui saisissent  des personnages sans âme, tous droits et plastronnant  dans une  même position, dans le même anonymat de la certitude sociale et de la fatuité glaciale.
                        Puis les armes s’acèrent et, en France,  viennent des dessins sans concession, bruts, frontaux, dans lesquels, les visages essentiellement, renvoient le plus souvent à une méchante hébétude, fière d’elle-même que des textes simples et incisifs enfoncent davantage dans leur stupidité. Les figures excèdent  la caricature; l’humour ou l’ironie se dissolvent dans un espace parfois saturé, parfois vide, dans lequel les visages font taches, se perdent dans leur inhérente saleté. Aucune complaisance n’est de mise. Bourreaux et victimes arborent les rires et les stigmates de leur caste mais dans une même uniformité
                        La maladie humaine c’est le mal social. Le corps biologique, grimaçant,  en est la proie et le symptôme. Nul ne s’y soustrait. Il n’y a pas de racine du mal. Il y a les rhizomes, le chiendent qui s’accroche à toutes les structure et les corrode.
                       Faudrait-il alors succomber à un fatalisme sans horizon, à un nihilisme sans lumière? Dessins ou photographies, par leur puissance de feu, donnent ici un sens qui transcende l’œuvre. L’artiste s'adonne sans compter à un tir nourri qui, jamais, ne manque sa cible. Pire, il l’éclabousse. Il ne lui confère pas l’honneur du bazooka, il l’écrabouille  d’un pistolet à eau jubilatoire: La mort symbolique poursuit l’être vivant de sa vindicte! Le ridicule ne tue pas: Pire, il colle à la peau, toute la vie!
                       Tout effet esthétique est ici exclu. Patrick Walworth est un sniper qui ne lâche ni ne rate sa proie. Il débusque slogans et poncifs. Il éviscère les discours, émascule les visages, détricote tout lien social. La société est autopsiée, sans concession aucune sous les projecteurs crus d’une lumière pornographique. Pas d’effets spéciaux. Du brut. De la viande sociale, démembrée, dont les restes d’ironie et d’humour restituent les ultimes éclats de chair.
                    Le travail est multiple; il étouffe sur ses bords ou implose dans un jet minimaliste. Il n’est jamais contradictoire. Stratégie guerrière. Patrick Walworth ne doute jamais: Il tient cette ligne directrice qui appartient aux grands artistes.

Une sérigraphie de Partick Walworth est présentée à la Galerie Circonstance à Nice lors de le belle exposition de Florence Paradeis, "Lame de fond".





            

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