samedi 19 mars 2016

Philip Vormwald


                     Espace à vendre, Nice

(Sol en collaboration avec Baptiste César)



                          Beaucoup de jeunes artistes se réapproprient le dessin sans pour autant verser dans une nostalgie pour  ce qui est pourtant traditionnellement perçu comme un fondement de toute représentation. Pour eux, il ne s’agit nullement d’un retour aux sources  mais plutôt d’une exploration dans  ces territoires mouvants où la figuration joue de l’effacement, où les formes renvoient malicieusement à la perturbation du sens.

                       Au premier abord, la notion même de dessin peut être mise en doute lorsqu’on est confronté aux travaux de Philip Vormwald. Les œuvres, de dimension égale, se côtoient et  se déclinent dans une longue série au cours de laquelle l’aspect répétitif est nié par l’extrême variété des signes qui la composent. Mais surtout l’espace revêt  la forme d’une pellicule sur laquelle le noir et blanc impressionnerait toute une gamme de signes qui dialogueraient, de façon aléatoire, en saturant l’espace de citations discrètes empruntées à l’histoire de l’art. 
                        On peut y reconnaître, par exemple,  des fragments de découpage de Matisse ou des constructions empruntées à Domela et à bien d'autres sans que la présence de tel ou tel n’intervienne pour l’élaboration d’un discours. La collision des éléments se décrit dans l'absurdité de son horizon. Dès lors il ne s’agit plus que de traces qui se confrontent les unes aux autres dans une facétieuse loi des séries quand la rigueur reste pourtant de mise. Tous les codes de la représentation semblent ici jouer leur partition sans que le moindre élément l’emporte sur l’autre, sans hiérarchie et sans finalité. Tous les rappels esthétiques que convoquerait notre mémoire se trouvent ainsi figés dans une neutralité qui interroge la validité même de cette valeur qu‘on voudrait constamment leur attribuer. L’artiste déploie donc  ce dispositif d’allusions, de géométries, de coïncidences et d’annulations pour énoncer une histoire forclose dont les fantômes ne cesseraient toutefois de hanter notre perception de l’art.
                        L’Œuvre oscille donc entre cette illustration  froide et cette énonciation sans détour. Elle désigne une image de ce que serait le dessin quand il est réduit à cette mise à plat de l’espace et des signes. Mais là encore le système qui se met en place tend à se dérober quand une pièce en apparence égale à la précédente semble pourtant la contredire et la nier en dépit de leurs apparentes similitudes. Dans le non sens des formes et des citations, un sens mutique, littéralement, se dessine. 
                       Degas écrivait: « le dessin n’est pas la forme. Il est la manière de voir la forme. » Philip Vormwald nous révèle plutôt l’impasse de la forme et  la force du dessin quand celui-ci s’énonce par lui-même comme saisi dans son propre miroir.


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