Musée d’Orsay, Paris
Jusqu’au 22 janvier 2023
«Le cri» est un tableau universellement connu tant il résonne en chacun de nous. Ce cri dont Edvard Munch développe les ondes sonores en couleurs de feu qui se déploient dans l’espace, déchire une œuvre traversée par le thème de la mort et de l’amour. Né en 1864 en Norvège, Munch perdra très tôt sa mère puis sa sœur et sa peinture restera marquée par cette hantise de la maladie, de la solitude et de la mort. Aussi ne cessera-t-il de décliner de manière obsessionnelle des scènes dramatiques souvent reprises selon plusieurs versions, telles «Les jeunes filles sur le pont» que l’artiste représentera d’abord par une gravure sur bois en 1918 puis par une huile sur toile en 1927. Ces deux œuvres parmi une centaine d’autres présentées lors de cette exposition, témoignent d’une même angoisse qui se lit dans le corps même de la peinture. Les formes sont molles, presque flottantes. Les visages se dérobent en se ployant vers le sol ou vers la flaque morte d’un fleuve. Les yeux sont éteints ou bien seule de la braise couve au fond de leur cendre.
Pour tous ces êtres réduits à des formes spectrales il ne reste plus qu’une vie qu’il faut traîner et qui se dessine en traits hachurés ou en violentes taches de couleurs. L’anxiété s’empare alors de l’espace tout en s’imprégnant de l’idée de nature. Les paysages sont peints à l’aune de sentiments parfois inspirés d’une philosophie vitaliste dont la coloration infuse les modèles. Stridente, flasque ou livide, la couleur se dilue dans le ciel ou dans l’eau dans les seules teintes du désespoir. Il y a chez Munch cette lumière impossible qui se révèle seulement par des éclairs de ténèbres qui illuminent les êtres. Images de la solitude, ces tableaux sont parfois des autoportraits par lesquels l’artiste s’interroge dans un face à face tendu et ce n’est que dans ces tableaux que le regard se fait pénétrant.
Homme seul, principalement autodidacte mais trouvant ses racines dans l’impressionnisme et le symbolisme, Edvard Munch sera surtout un précurseur pour l’expressionnisme allemand. Pensée comme un cycle allégorique à partir de la naissance de l’amour, sa floraison, sa disparition puis la mort, la Frise de la Vie serait selon les commissaires de cette exposition, cette série qui donne sens à l’ensemble. Regarder une toile de Munch c’est se perdre dans des courbes houleuses et des lignes flottantes sur lesquelles l’œil n’est jamais en repos tant il pénètre les sombres méandres d’une âme souffrante.