Musée de la Photographie Charles Nègre, Nice
Jusqu’au 15 janvier 2023
L’éternel émerveillé
Plus qu’à une description de la nature, c’est bien à sa célébration que nous convie Vincent Munier. Retrait méditatif, patience en amont du temps, immersion dans le silence de la roche ou de la glace, c’est dans dans cette fusion subtile avec les éléments extrêmes que le photographe se glisse dans la peau insoupçonnée du monde. Par une démarche minimaliste et dans l’écho des estampes japonaises, il restitue un espace intérieur où la trace, aux lisières du visible, imprime la présence du vivant là où nous échouons à le rencontrer. L’animal sauvage, rétif à l’homme, en osmose avec une nature encore vierge, est au cœur d’un récit que le photographe murmure comme pour en préserver le secret.
Si la faune s’inscrit durablement depuis plus de vingt ans dans son œuvre de photographe, de cinéaste et d’écrivain, Vincent Munier n’est pas précisément un photographe animalier. Qu’il traque la présence diffuse de la panthère des neiges ou d’un ours polaire, c’est toujours pour extraire de l’image ce souffle d’un mystère qui nous relie à notre condition et aux grands espaces. La vie dans toute sa fragilité et l’animal dans son propre territoire disent en creux ce que nous ignorons de l’univers. A pas de loup, par une écriture sensible, dans le retrait et le silence, la photographie absorbe la beauté du monde. Pourtant elle crie notre ambition folle à vouloir le dominer et à le détruire. Et dans ces images se lit un engagement profond pour la réconciliation de l’humain et du règne animal par la grâce d’un langage universel.
Sur les hauts plateaux du Tibet qu’il surnomme le troisième pôle, Vincent Munier, par des tirages particulièrement soignés, excelle à donner forme à ce qui échappe au corps de l’animal. Celui-ci s’écrit dans le flou, la brume, une traînée de vent à moins qu’il ne parle d’un feu ténébreux comme dans «Les sabots du vent», ou d’une violence primitive dans le face à face des «.Bœufs musqués». Ici l’explorateur n’est plus un conquérant mais l’humble témoin d’une révélation qu’il parvient à nous faire partager en l’effleurant, sans jamais réduire l’animal à son étrangeté. Celui-ci tend d’ailleurs à se dissoudre, il n’est souvent qu’une silhouette fichée contre le ciel ou une inscription figée dans la pierre. Lui aussi n’est que murmure. On surnomme parfois Vincent Munier comme «L’éternel émerveillé». Peut-être parce qu’il déchire le rideau du temps pour dire l’éternité et que le primitif de l’animal nous rattache à des rivages que nous aurions perdus. Cela s’appelle l’émerveillement et Vincent Meunier nous en restitue toute la puissance dans une révolte sourde.
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