Galerie Eva Vautier, Nice
Jusqu’au 12 novembre
En 1918, Malevitch inaugure une histoire du monochrome avec son «Carré blanc sur fond blanc». Pour lui un idéal pour la représentation ou l'idée de l’infini quand pour d’autres cet idéal sera remplacé par celui du vide, de la matérialité de la couleur ou, à l'inverse, de sa libération. Autant d’aventures pour nombre de peintres afin de renouveler la peinture ou d’en célébrer la fin, glorifier la matière ou bien l’ailleurs d’un absolu mystique… On comprendra que cette histoire-là est celle des contradictions que l’art n’a cessé de porter en lui-même, contradictions qui sont au cœur du projet de Joseph Dadoune: «Blancs» est ce simple mot qui fait tâche, qui désigne non plus la représentation ou son absence mais plutôt la couleur, son balbutiement ou sa négation qui se substitue à l’image comme pour l’éteindre.
Et le blanc - au pluriel - devient ici un simple objet, paradigme de formes, de toiles, de cadres ou d’écrans. Lieu à la fois d’apparition et d’extinction. Pour le contempler ou le comprendre, encore faut-il s’en approcher ou s’en extraire, éprouver sa densité tactile ou son nuage éthéré. Mais il y a dans la contradiction ou l’énigme de ce blanc, au-delà de sa dualité symbolique de la vie et de la mort, cette pointe de malignité qui le transforme dans un ailleurs fantasmé: l’or, la stabilité de son feu et le souvenir des icônes. La blancheur épouse alors cette page vide qui s’autorise à toutes les outrances, au détachement de la méditation comme à l’ensevelissement dans la matière, avec ses plages de recouvrement et ses lourdes vagues de nacre que Joseph Dadoune sculpte en bas-reliefs.
Car l’artiste travaille le blanc dans son épaisseur, entre plâtre, silicone, mortier ou résine et le blanc devient un objet paradoxal, friable, marbré ou cristallin. Il est le tableau avec son cadre, ses reliefs, sa matité ou ses reflets. Il est une trouée ou, à l’inverse, une aspérité sur le mur. Mais aussi il apparaît dans la présence d’un ancien mur de fleurs que l’artiste avait présenté ici lors d’une précédente exposition. Ce fut alors une explosion de couleurs avec ses blessures et ses pétales hachés. Ainsi l’artiste poursuit-il une propédeutique du blanc, de celui qui absorbe, comme dans un trou noir, toute l’intensité de la lumière. Et avec elle l’autorité de l’image.
Au-delà de son opacité, il y a pourtant la transparence du blanc que l’artiste essaime dans des assiettes de verre brisé comme seul résidu de cette image. Quant au verre de l’écran, il n’est que suggéré par la gangue plâtreuse qui s’en empare. Ainsi vont les espaces où s’incrustent nos représentations - tablettes, télévisions ou tableaux - que Joseph Dadoune interprète, avec facétie ou douleur, dans le cinéma de nos nuits blanches.
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