MAC Lyon
Jusqu’au 31 décembre 2022
Donner forme pour penser le concept de fragilité telle est l’ambition de cette 16e Biennale de Lyon. Encore fallait-il localiser cette zone par laquelle l’art pourrait révéler un territoire incertain constitué de tensions, de désordres et d’angoisse mais aussi de créativité, comme si fragilité et incertitude apportaient ce ferment par lequel art et humanité pouvaient se fondre dans une même réalisation de l’espoir. Beyrouth saisi dans les chaos de l’histoire, représente ce lieu de vulnérabilité, au carrefour de l’Occident et de l’Orient et aussi au centre de la confrontation des cultures et des idéologies. Pas moins de 230 œuvres et de 34 artistes illustrent cette histoire des années 60 jusqu’à la guerre civile au Liban.
Sur deux étages du MAC Lyon, la scène libanaise est représentée en plusieurs tableaux avec Beyrouth, son port, son cosmopolitisme qui lui valait une réputation de «Suisse de l’Orient». Mais aussi l’évolution des mœurs qui conduit à d’autres modes de vie et à un un nouveau rapport au corps. Les peintures d’Huguette Caland sont exceptionnelles de par leur pouvoir expressif tout en déclinant ce corps dans des effets de distance comme pour en détailler et retenir la charge érotique par l’austérité de la couleur et la précision des contours. Une toile de Paul Guiragossian en 1970, «Les funérailles de Nasser» quant à elle frappe l’imaginaire par la force de sa composition lorsque les personnages se réduisent à des stries vibrantes de feu sous le fardeau de l’horizontalité pâle du cercueil du Raïs.
Dans ce récit étoilé en de multiples séquences, les paysages d‘Etel Adnan ou de Simone Fattal apportent des instants d’une douce plénitude dans le fragile équilibre des couleurs et des lignes qui se fondent. La nature est ici approchée jusque dans son âme, aux lisières de l’abstraction.
C’est là l’une des réussites de cette Biennale sous le commissariat de Sam Bardaouil, lui-même d’origine libanaise, et de Till Felrath qui, à la veille de la pandémie du Covid, se lancèrent dans cette aventure quand la fragilité de nos sociétés se révéla avec brutalité. Sur 11 sites de la métropole lyonnaise, le cœur de l’art contemporain bat au rythme du monde, de ses drames mais aussi de cette beauté mystérieuse qui jaillit parfois de la nuit même si un ciel ensoleillé peut aussi être lourd de menaces… La fragilité dans toutes ses formes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire