vendredi 16 septembre 2022

«Les nombreuses vies et morts de Louise Brunet»

 


MAC Lyon

Jusqu’au 31 décembre 2022



                                                        Oeuvre de Julio Anaya Cabanding

Si la fiction ne peut advenir que du réel, elle peut cependant agir sur celui-ci. L’exposition au MAC de Lyon dans le cadre de la 16e Biennale procède de cette idée d’engagement pour une transformation de la réalité, laquelle idée aurait pu être banale si les commissaires s’étaient contentés de tirer les fils d’un récit et de l’illustrer. Or, s’il s’agit bien de fils, ceux-ci trouvent leur réalité dans un contexte historique et social, celui de Louise Brunet, fileuse de soie à Lyon. Et dans un parcours où se mêlent documents et œuvres d’art ancien ou contemporain, les fils s’entremêlent et la trame du réel se défait, non seulement par l’intrusion de l’imaginaire mais aussi par la construction de réalités parallèles à celles de Louise Brunet.

Mais qui était cette femme? Un individu parmi tant d’autres mais, comme beaucoup, une figure héroïque de l’insignifiance. On sait d’elle qu’elle participa à la révolte des Canuts en 1834, qu’elle sortit de prison à 18 ans pour partir au Liban dans l’espoir d’une vie meilleure, là où on cherchait des fileuses de soie expérimentées. Puis, dans des lettres à sa sœur, elle racontera l’enfer de son quotidien. Elle sera de nouveau emprisonnée puis le fil se rompt…

Louise Brunet s’incarne alors par autant de figures qui, dans le monde, sont sujettes à la fragilité et à la volonté d’y résister. En sept sections, l’exposition relate des fictions quant à l’individu aux prises avec la masse, les ségrégations ou la mortalité. Mais la vulnérabilité c’est aussi la porte de l’émancipation et les œuvres, à travers le temps et l’espace, en explorent toutes les modalités. Au tableau d’une tête de Christ couronnée d’épines et des mains dans un geste d’imploration et de résilience peint par Albrecht Bouts répond celui de Julio Anaya Cabanding. Il s’agit là d’une simple copie, non plus sur une toile mais sur un vieux carton abandonné. Toutes les œuvres interprètent un face à face tragique ou s’illuminent mutuellement dans la quête d’une relation au corps, à l’image de soi, à l’espoir. Quête ou enquête, réel et fiction, passé et présent, tout se joue par la présence des œuvres qui se heurtent au réel en même temps que celui-ci se transforme. Peintes en 1983, deux huiles sur toiles de Salman Toor, par leur lumière vertigineuse et l’énigme qu’elles diffusent, résument l’esprit de cette exposition. Des œuvres variées qui parlent par elles-mêmes de l’autorité qu’elles exercent mais aussi, peut-être, de leur propre fragilité par rapport à d’autres œuvres ou à d’autres mondes.





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