dimanche 25 septembre 2022

Jean-Marc Scanreigh, « Une figuration abstraite »


Galerie Laurent & Laurent, Nice

Jusqu’au 3 décembre 2022




Voici un monde diablement tordu saisi au seuil d’un songe dans lequel rêve et réalité se confondent aussi bien par le surgissement des figures que dans le fantôme de leur disparition. Les peintures ou dessins de Scanreigh ne sont jamais en repos, elles s’agitent, inquiètes ou rieuses, dans des lignes hachurées qui se narguent et des couleurs qui se querellent. L’artiste sonde ainsi ce point invisible de l’image, en retrait de toute pensée, encore assoupi dans les méandres d’une caverne ou d’un cerveau à moins qu’il ne résonne dans une danse infernale et primitive dont la déflagration s’inscrit dans le corps même de la peinture. Le corps biologique n’est plus alors qu’un masque, une boursoufflure bouffée par les rats, les monstres ou des oiseaux maléfiques. Et l’art exhibe ici ce qui n’existe pas encore - un monde parallèle à nos nuits rêveuses ou cauchemardesques,  pareilles à celles de notre imaginaire quand il s’accroche aux aspérités du quotidien.

C’est bien un univers mental que décrit Scanreigh mais son récit s’étiole à l’instant même de son énonciation. Abstraction et figuration coïncident dans une œuvre d’où ne filtrent que des linéaments de formes archaïques et grimaçantes. Peut-être un œil, une barque, un arbre. Mais la chose existe-t-elle encore ou ne serait-elle que vestige ou prémonition?

Scanreigh voyage au-delà du jour et de la nuit, il convoque des lumières et des ombres inédites pour des saturnales auxquelles l’humain reste à jamais étranger. Dans un rythme chaotique de flammes et d’ouragans, c’est pourtant bien la trace de notre sang qui irrigue le contour du dessin. Mais c’est par son absence que l’humain se définit ici. Comme si tous nos espoirs et tout ce que nous aurions pu bâtir seraient venus s’échouer sur une toile ou un papier, comme sur la grève d’un continent inconnu. Une histoire construite sur les vestiges d'un oubli fondamental. Et si la beauté ce n’était que cela? Cet instant de convulsion du réel, cette déflagration du sens, cette retombée sidérale des détritus du monde dans leur éclat primitif... L’art de Scanreigh ne ressemble à aucun autre et sa voix porte beaucoup plus loin que dans le souvenir de notre seul regard.








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