Le Grand Café, Centre d'Art Contemporain, Saint-Nazaire
Jusqu'au 11 septembre 2022
Tout ce qui suggère l'origine à travers les convulsions d'une matière organique et ses multiples mutations, c'est ce qu'explore Nicolas Deshayes. Formé en Angleterre où il vit, le sculpteur né en 1983, confère, entre artisanat et processus industriel, à tout matériau son pouvoir de définir les multiples aspects du vivant. Tel serait l'enjeu de la sculpture: Mettre en forme l'équivalence du corps et du matériau, envisager les effets de ce qui se transforme en relation avec ce qui fut et ce qui peut apparaître.
La matière transformée n'obéit pas tant à la main du sculpteur qu'aux contraintes que peuvent subir le bronze, la fonte d'aluminium ou la céramique. Tout se raccorde au vivant et aux lois qui le régissent avec des variations thermiques et des formes qui figurent ce qui est identifiable mais aussi qui traduisent la seule force autonome d'un processus. Nicolas Deshayes nous parle de tout cet équivoque de la sculpture en nous égarant entre le bas relief et la science fiction. Il joue de l'incertitude des matériaux en usant aussi bien de mousses ou de plastiques que du bronze doré. Les hiérarchies se dissolvent, les temps se confondent - bestiaire médiéval ou anticipation du post-humain. Humour et inquiétude se croisent alors dans ces sculptures qui évoquent tour à tour des systèmes circulatoires et souterrains, des flux de douceur ou de crocs entre ce qui se fige et le jeu des métamorphoses.
Nicolas Deshayes excelle à traduire ce foisonnement par des installations en apparence opposées. Au rez-de-chaussée, des fontaines de fonte d'aluminium incarnent des conduits intérieurs semblables à des boyaux avec ce qui révulse ou ce qui fascine dans la circulation du liquide et du vivant. Mais ailleurs ce sont des œuvres froides, éteintes comme pour un rappel archéologique du monde. Le sculpteur nous parle de greffes et de peaux mortes dans l'imbrication de l'intérieur et de l'extérieur. Voici une œuvre hybride et multiforme dans laquelle fantômes du passé ou de l'avenir se croisent dans l'indécision du rire et de la douleur. On regarde et surtout on écoute ce que ces fantômes nous disent.