lundi 13 juin 2022

Bernar Venet, «Hommage à David Tudor»



Venet Foundation, Le Muy, Var


                                           Jusqu'au 30 septembre 2022

Le gigantisme des œuvres rivalise ici avec la démesure d'un paysage. En bordure de la Nartuby, se déploient les ateliers de Bernar Venet, l'ancien moulin à huile où il réside, la chapelle de Richard Stella, des salles d'expositions et de vastes espaces ponctués de sculptures d'artistes majeurs de ces cinquante dernières années. Si on y retrouve Richard Long, Tony Smith, Richard Deacon, Ruckrïem et tant d'autres, la collection ne cesse de s'enrichir de nouvelles œuvres parmi lesquelles de lourdes sphères d'Anish Kapoor en parfait contrepoint d'un environnement transparent et coloré de Carlos Cruz Diez. Et sur plusieurs espaces, avec pour seul horizon le rocher de Roquebrune, les sculptures monumentales en acier corten de Bernar Venet surgissent de terre en excroissances tendues ou enroulées entre rythme et chaos contre le ciel.

La collection de Bernar Venet reflète une période particulièrement féconde de l'histoire de l'art moderne et contemporain, celle des artistes du Nouveau Réalisme et surtout de l'art minimal et conceptuel. Rotella, Arman, Tinguely mais aussi James Turell, Morellet, Dan Flavin ou Donald Judd diffusent leurs propres visions et des propositions qui parfois se heurtent ou se croisent. Un superbe Motherwell voisine avec Rauschenberg et le plus souvent, l'origine de ces œuvres repose sur un solide socle d'amitié et certaines furent d'ailleurs entièrement réalisées pour Bernar Venet lui-même ou en relation étroite avec le site de la fondation. Et il ne s'agit pas tant d'amasser des œuvres que de retenir celles qui bouleversent notre champ perceptif, mettent en cause normes et pensée, inaugurent des formes nouvelles. On y rencontrera donc aussi Duchamp, Picasso ou Warhol car, pour reprendre les mots de Bernar Venet: «Ce n'est pas de l'art si ça ne change pas l'histoire de l'art».

Chaque été, la Fondation propose une exposition temporaire. Après Yves Klein, Viallat, Lawrence Weiner et Robert Morris, un hommage est rendu à David Tudor (1926-1996). Celui-ci utilisa le son comme une matière première et révolutionna les notions d'improvisation et se détourna des instruments traditionnels. Autour de John Cage, La Monte Young ou Pierre Boulez, il s’agissait de décloisonner les pratiques artistiques. La vidéaste américaine, Molly Davis et Jackie Matisse, petite fille du peintre, éprise de tissus flottants et de cerfs-volants, ont conçu une installation mettant en relation l'eau et l'air mais aussi la lumière et le son. Nous voici alors immergés dans une expérience poétique qui agit par ses effets répétitifs et le trouble sensoriel qu'elle diffuse. Les images des films sont issues d'une bande sonore créée par David Tudor. Ce sont alors des entrelacs de plis colorés et de pulsations lumineuses qui agissent sur la perception et perturbent l'espace. Des envolées de couleurs rythment chaque surface comme des marques de mémoires qui tour à tour s'effacent ou reviennent. D'un lieu à l'autre, sur les sept hectares de la Fondation, entre les sculptures que Venet réalisa pour le Château de Versailles et cette immersion au cœur du sensible et d'un espace mouvant, c'est toujours une relation étroite avec le corps qui s'établit par une mystérieuse cérémonie des sens.




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