Musée matisse, Nice
jusqu'au 18 septembre 2022
Il y a cette atmosphère à la fois paisible et électrique, ce dénuement du motif dans un espace saturé de silence. Et cet équilibre entre la plate évidence d'une scène et le vertige qu'elle provoque. L'on comprend alors la fascination qu'exerça Balthus chez David Hockney mais aussi l'influence de Matisse dans l’œuvre de celui-ci.
A partir de soixante-dix œuvres de David Hockney, de 1960 à aujourd'hui, l'exposition niçoise s'attache à mettre celui-ci à l'épreuve de Matisse, non seulement par leurs affinités thématiques, mais surtout pour leur exigence commune à peindre la lumière, à capter la couleur, à rendre par la vivacité du trait, la pulsation intime de l'espace. «Un paradis retrouvé» donc. Et cette même soif de vouloir s’affranchir du pinceau et de la peinture avec les papiers gouachés découpés chez Matisse et cette jubilation d' Hockney dans l' exploration des potentiels des nouvelles technologies.
Deux œuvres emblématiques ouvrent le parcours. A côté de «La piscine» de Matisse dans sa version en céramique, «Le plongeoir avec ombre» de Hockney diffuse une même captation du bleu dans l'aspiration d'un espace idéal. Mais au-delà de ce thème emblématique de l'artiste anglais, on retrouvera, comme chez Matisse, la récurrence des fenêtres, la proximité de l'atelier et des objets qui y adhèrent. Et aussi les autoportraits pour le jeu de regards qu'ils imposent. Et les nus livrés à la résonance de l'espace qui les façonne - féminins pour l'un, masculins pour l'autre. Tout se développe par un constant jeu de miroirs, dans une même enveloppe hédoniste et solaire.
Pourtant David Hockney accentue l'incidence de la lumière par la vigueur des lignes et l'outrance des couleurs acidulées. Les traits sont volontiers hachurés comme pour précipiter les effets des flux lumineux avant de les figer à l'intérieur de la scène. Dans ses récentes productions réalisées à partir d'un Ipad, Hockney poursuit ses expérimentations sur l'image et ses jeux d'artifices avec leurs pots de fleurs saisis dans une nudité floue, figés dans leurs cadres à l'ancienne et comme étrangers à l'austérité du fond qui en souligne l'évidence d'un mystère.
Usant de toutes les techniques, - gravure, huile, acrylique ou photographie - Hockney exalte la fulgurance de la vie, la floraison et le rythme des saisons. La nature est un éblouissement. Les paysages sont un hymne à la joie. Ils s'irriguent de toutes les variations du temps qui se dépose sur l'image pollinisée par les grains de couleurs. Tout évoque le rêve éveillé d'une nature réconciliée, de cet instant où la végétation s'empare du ciel et que les couleurs nous disent que tout cela n'est pas vraiment le réel mais que l'artiste a pour mission d'anticiper l'image d'un paradis. A la rigueur sereine de Matisse se superpose la frénésie des pulsations colorées dans une nature libérée comme promesse d'une humanité heureuse. Cet art semble nous dire que le paradis est là pour peu que nous sachions le voir.
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