mardi 14 juin 2022

«A rose is a petunia is a mimosa»

 

                                                        Alain Séchas

Galerie Eva Vautier, Nice

Jusqu'au 10 septembre 2022


Dites le avec des fleurs mais avec tous les égards pour les épines des roses. Et, ainsi que l'écrivait Shakespeare dans Macbeth: «Ressemble à l'innocente fleur, mais sois le serpent qu'elle cache.» Ainsi va la fleur dans sa symbolique, sa beauté qui se flétrit et ses parfums qui s'évaporent. L'exposition d'une vingtaine d'artistes dans le cadre de la Biennale des Arts de Nice sous le thème des fleurs décline, souvent dans une fausse naïveté, les tours et les détours des choses tellement vues qu'elles deviennent invisibles. Le ton est donné dès le titre, parodie du poème de Gertrude Stein: «A rose is a rose is a rose». Or la première rose est une personne, la seconde est une fleur et la troisième demeure dans le secret des mots. Ici correspondrait-elle à l'essence même de la peinture, au souffle des dessins ou à la densité des sculptures qui rythment l'exposition.

Ornementale, la fleur peut être la proie de tous les poncifs. Dévitalisée, Nina Childress en restitue les contours. En toile de fond de héros sans âme en caoutchouc ou en plastique, des rosaces ponctuent le décor, signes vides des rêves programmés et sans objet. A cette peinture sans fioriture répondent les bouquets dessinés par Grégory Forstner dans leur seule confrontation au réel. Grises et muettes, qu'en disent-elles? Et au centre d'une toile ou d'un dessin, que dit la fleur sur celui qui la contemple et sur qui la compose? Le tableau d'Alain Séchas, au contraire, envahit l'espace et les couleurs criardes, conquérantes, s’emparent du spectateur; elles distillent artères et sang comme une morsure contre la douceur.

Face à ces œuvres qui se confrontent à qui regarde, d'autres artistes explorent l'intériorité qui se tapit derrière l'image. Dans une vidéo, «Nous voir ensemble», Marie Noury disperse des fragments, des gestes et des mots pour mesurer ce qui en subsiste dans la mémoire. Fleur qui s'étiole ou qui s'éteint, celle-ci n'est-elle pas davantage un mot qu'une chose? Existe-t-elle hors de son accumulation de sens et de son poids métaphorique? Réduite à sa neutralité, la fleur n'est plus alors qu'une signature imposant le pouvoir de la seule apparence. C'est ainsi que Natacha Lesueur photographie l'insignifiance tout en réalisant un portrait dans les codes de la perfection picturale. Visage et fleur coïncident dans un même silence. L’abîme intérieur est leur seul espace.

Ce jardin extraordinaire d'herbiers en friche et de pétales fous, Gérald Panighi s'amuse alors à le piétiner. Et cette fleur, il lui suffit d'une phrase en bas d'un dessin pour lui régler son compte. Mais est-elle morte pour autant? Telle du chiendent elle ne cesse de revenir sous de multiples aspects ronger nos yeux et nos cœurs. Car «a rose is a petunia is a mimosa» etc.

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