Peindre un paysage n’est pas peindre la nature. Alors que l’un suppose un cadrage, une forme fixe et une volonté de représentation, la nature, elle, ne s’appréhende que dans sa totalité ; elle inclut l’homme qui l’habite mais dont aussi il est issu. Comment le peintre peut-il donc rendre compte de cette nature sans altérer son mouvement, tout en exprimant pleinement ses caprices, sa violence qui, pourtant, se conjuguent parfois à la plus parfaite sérénité?
Traditionnellement la peinture chinoise est largement imprégnée de cette nature dont le Maître traduit l’équilibre par la sûreté du geste et l’intensité du souffle. Elle annule les effets de représentation ou d’abstraction par son contenu poétique quand le peintre se doit avant tout d'exprimer des sensations.
Shangying Liu n’ignore rien de cette tradition même s’il élargit les notions de nature et de paysage, dans une dimension plus contemporaine, dans l’idée de mouvement telle qu’il exista dans l’Action painting. La nature c'est aussi cette rencontre physique avec l’artiste qui en saisit la matière. De cette peinture, il en résulte une charge pulsionnelle intense qui s'unit aux forces naturelles. En effet l’artiste a disposé cette toile parmi une trentaine d’autres durant 18 jours dans un espace désertique soumis à des conditions extrêmes. Peints à l’huile, les tableaux s’imprègnent des tempêtes de sable comme ils peuvent témoigner de l’union de l’homme avec la nature et le cosmos. Ils restituent les tensions extrêmes de la chaleur ou du gel et la consistance de l’atmosphère. La matière est délicate mais un geste violent semble lacérer la toile; elle est fusion, elle est en elle-même un récit sur la nature, et comme chez Anselm Kiefer, elle exprime cette ruine qui la guette. Cette toile d’une dimension imposante capte le regard de celui qui la contemple et qui entre dans cette expérience de l’ harmonie du vide et de la matière.