Il
est de bon ton pour l'artiste contemporain d’interpeller,
d’explorer et surtout d'interroger. Si Picasso disait « Je
ne cherche pas, je trouve » , il semblerait qu'aujourd'hui la
quête soit en elle-même plus importante que l'objet qui en
résulte d'où l'inflation des concepts et la dévaluation de l’œuvre
physique. Celle-ci se réduit le plus souvent à n'être que l'écho
des préoccupations sociétales du moment. Même si celles-ci sont
présentes dans le lent et long travail de Liz Magor, il n’empêche
que l'artiste s'attache à surtout restituer à l'objet sa dignité,
fût-il le plus trivial, en le mesurant à ce que, par convention, on
nomme « œuvre d'art ».
Si
« question » il y a donc dans ces œuvres, c'est bien
celle de l'existence des choses et de leur disparition quand elles
nous sont liées intimement. Question que Lamartine posa ainsi:
« Objets inanimés, avez-vous une âme
Qui s'attache à notre
âme (…) ?
Issus de leur trivialité dans le quotidien, voici ces objets qui parsèment
les salles du MAMAC. Figés dans une mémoire éteinte, leur « âme »
s'exprime par les subtiles modifications que l'artiste leur fait
subir quand ce n'est pas par un jeu de simulations qui leur donne
tout leur sens. Anonymes, ces objets attestent pourtant d'une existence.
Chacun d'eux porte l'empreinte d'un récit personnel et, de ces
indices, Liz Magor parvient à transposer l'intime au niveau de
l'universel. Ces objets, comme ceux des natures mortes, sont alors
dotés d'une vraie puissance allégorique. Il seraient à l'égal des
mythes s'ils étaient chargés d'une quelconque grandeur. Mais qu'il
s'agisse d'un mégot de cigarette, d'une bouteille ou de vêtements
usagés, ces objets ne sont marqués que par le temps et portent
l'empreinte, souvent feinte, de leurs propriétaires. Dans leur sillage, ces choses fonctionnelles sont dépouillées de leur valeur d'usage et paraissent destinées à les
suivre dans un autre monde, comme dans l’Égypte ancienne où les
objets du défunt l'accompagnaient dans la tombe.
Si
l'idée d'extinction et de mort domine, Liz Magor ne tente pas de
redonner vie à ces objets. Elle s'intéresse davantage à leur
témoignage, à leur douceur passée et, surtout, à ce qu'ils
portaient d'invisible. Elle est une archéologue des âmes. L'artiste
nous les donne à voir, revêtus de leur part de simulacre.
En
effet, tout ici relève de l'illusion. Si les objets sont bien réels,
il se confrontent pourtant à la détérioration d'une mémoire et
au détournement que l'artiste leur impose. Le plus souvent, il ne
s'agit que d'imitations, de leurres et le spectateur perçoit, par
exemple, du vulgaire carton quand celui-ci est en fait le produit
d'un moulage en gypse polymérisé.
Cet
univers simple et silencieux est celui de notre environnement.
Meubles revêtus, sculptures de sacs de couchage, où est la
réalité ? Ici les choses règnent dans un présent
intemporel : Le temps de la poésie.
Du 18 novembre au 13 mai 2018
Née en 1948, Liz Magor
est une artiste canadienne.Elle travaille la sculpture, l'installation et la photographie. Par la sculpture, elle s’intéresse à l'ontologie d'objets ordinaires ou familiers recréés et présentés dans un autre contexte.
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