jeudi 23 novembre 2017

Liz Magor, MAMA, Nice


Il est de bon ton pour l'artiste contemporain d’interpeller, d’explorer et surtout d'interroger. Si Picasso disait « Je ne cherche pas, je trouve » , il semblerait qu'aujourd'hui la quête soit en elle-même plus importante que l'objet qui en résulte d'où l'inflation des concepts et la dévaluation de l’œuvre physique. Celle-ci se réduit le plus souvent à n'être que l'écho des préoccupations sociétales du moment. Même si celles-ci sont présentes dans le lent et long travail de Liz Magor, il n’empêche que l'artiste s'attache à surtout restituer à l'objet sa dignité, fût-il le plus trivial, en le mesurant à ce que, par convention, on nomme « œuvre d'art ».
Si « question » il y a donc dans ces œuvres, c'est bien celle de l'existence des choses et de leur disparition quand elles nous sont liées intimement. Question que Lamartine posa ainsi: « Objets inanimés, avez-vous une âme
 Qui s'attache à notre âme (…) ?

Issus de leur trivialité dans le quotidien, voici ces objets qui parsèment les salles du MAMAC. Figés dans une mémoire éteinte, leur « âme » s'exprime par les subtiles modifications que l'artiste leur fait subir quand ce n'est pas par un jeu de simulations qui leur donne tout leur sens. Anonymes, ces objets attestent pourtant d'une existence. Chacun d'eux porte l'empreinte d'un récit personnel et, de ces indices, Liz Magor parvient à transposer l'intime au niveau de l'universel. Ces objets, comme ceux des natures mortes, sont alors dotés d'une vraie puissance allégorique. Il seraient à l'égal des mythes s'ils étaient chargés d'une quelconque grandeur. Mais qu'il s'agisse d'un mégot de cigarette, d'une bouteille ou de vêtements usagés, ces objets ne sont marqués que par le temps et portent l'empreinte, souvent feinte, de leurs propriétaires. Dans leur sillage, ces choses fonctionnelles sont dépouillées de leur valeur d'usage et paraissent destinées à les suivre dans un autre monde, comme dans l’Égypte ancienne où les objets du défunt l'accompagnaient dans la  tombe.

Si l'idée d'extinction et de mort domine, Liz Magor ne tente pas de redonner vie à ces objets. Elle s'intéresse davantage à leur témoignage, à leur douceur passée et, surtout, à ce qu'ils portaient d'invisible. Elle est une archéologue des âmes. L'artiste nous les donne à voir, revêtus de leur part de simulacre.
En effet, tout ici relève de l'illusion. Si les objets sont bien réels, il se confrontent pourtant à la détérioration d'une mémoire et au détournement que l'artiste leur impose. Le plus souvent, il ne s'agit que d'imitations, de leurres et le spectateur perçoit, par exemple, du vulgaire carton quand celui-ci est en fait le produit d'un moulage en gypse polymérisé.
Cet univers simple et silencieux est celui de notre environnement. Meubles revêtus, sculptures de sacs de couchage, où est la réalité ? Ici les choses règnent dans un présent intemporel : Le temps de la poésie.


Du 18 novembre au 13 mai 2018



Née en 1948, Liz Magor est une artiste canadienne.Elle travaille la sculpture, l'installation et la photographie. Par la sculpture, elle s’intéresse à l'ontologie d'objets ordinaires ou familiers recréés et présentés dans un autre contexte. 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire