Caisse d'Epargne, Place Masséna, Nice
David ANCELIN Sea of heartbreak (detail) 2017 wallpaper Dimensions variables Courtesy de l’artiste © David Ancelin
Nous
sommes encombrés de fausses évidences, de constats trop rapides et
de clichés. Ce titre « La grande illusion » en est
d'ailleurs un, tellement ces mots issus du cinéma se sont imprimés dans
notre mémoire. Un cliché que les commissaires organisatrices,
Rébecca François et Lélia Decourt, démontent en donnant à voir
le lieu en fonction de l'illusionnisme. Dans le cadre de la salle
d'attente de la Caisse d'Epargne, elles invitent le visiteur, à
travers une errance jubilatoire, à repenser l'espace, à en saisir
les normes, à déjouer son cadre illusoire. Un espace fonctionnel ne
se réduit pas à ce qu'on peut en attendre, il demeure un lieu de
curiosité et de rêverie auquel l'intelligence n'est pas étrangère.
Dans
« Le rire », Bergson écrivait cette phrase qui devrait
constamment guider notre pensée : « Nous ne voyons pas
les choses mêmes. Nous voyons seulement les étiquettes qu'on a
collées sur elles. » Se réapproprier le réel après avoir
arraché le papier peint de nos vies et déchiré le décor, telle
devrait être la mission de l'art et de la culture.
Poésie
et humour sont les meilleurs outils pour ce joyeux nettoyage !
Sept artistes se disputent le plaisir d'apporter chacun leur touche
à cette œuvre de « déssillement » du regard. Les
propositions se toisent, se croisent, s'annulent mutuellement comme
si chacune s'amusait à enfreindre la règle d'unité qui serait
justement celle de l'illusion alliée au bon goût. Pascal Pinaud renverse
les codes ; il remplace le fond uniforme sur lesquelles, par
convention, on accroche des tableaux par un mur peint selon le logo
de la Caisse d'Epargne. Celui-ci est alors recouvert de tableaux de
même format mais tous d'un style et d'une facture si différents
qu'un effet de brouillage se produit : En dépit de la qualité
esthétique de chaque œuvre, le spectateur entre en collision avec
elles et est incité à se demander si l'artiste est une seule
personne, si le décor est homogène, s'il n'y aurait pas quelque
ruse perverse quelque part...
De
la même manière, Jean-Philippe Roubaud exécute avec brio quelques
natures mortes dans l'esprit du XVII èm siècle hollandais mais à
partir du dessin. Sa rigueur tout en contretemps avec la modernité
du lieu nous incite à penser le décor avec peut-être ce clin d’œil
ironique aux « vanités »... Xavier Theunis expose une
vaste photographie de parpaings recouvrant la peinture murale,
inverse ainsi les perspectives et nous donne à voir ce qui est
recouvert.
Toutes les œuvres interprètent leur sens et leur déconstruction
dans cette joyeuse cacophonie qui incite le spectateur à l'éveil, à
la curiosité, au mouvement. Même si l'on y savoure pourtant le
plaisir d'attendre.
Michel Gathier
Michel Gathier
Œuvres
de Pascal Pinaud, Ludovic Lignon, Xavier Theunis, Jean-Philippe
Roubaud, David Ancelin, Nicolas Desplats, Julie Kieffer.
Du 21 octobre 2017 au 12 janvier 2018
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