samedi 21 octobre 2017

Eglé Vismanté, lauréate de la bourse de la Francis Bacon MB Art Foundation

Villa Arson, Nice




Identifier une œuvre se résume le plus souvent à en saisir les contours, à la cerner dans l'illusion du  projet abouti de l'artiste et à en négliger les doutes et cette substance dont le spectateur s'empare et qui, souvent, échappe, ne serait-ce que dans la marge, à ce que son auteur désirait qu'elle fût. La seule phénoménologie de l'art  massivement  acceptable est celle qui est entièrement centrée sur l'artiste démiurge quand c'est l’œuvre, et seulement celle-ci, qu'il s'agit d'appréhender. L’œuvre d'art n'est jamais un objet fini mais plutôt le résultat d'un instant arbitrairement interrompu. Fragile, elle témoigne d'un cheminement, des hésitations qui ont jalonné sa réalisation. Elle n'est qu'une étape et un état provisoire de l'acte créatif.
Si en amont l’œuvre s'élabore sur ce parcours indécis, on comprend qu'en aval, une fois qu'elle se met en suspens pour son temps d'exposition, elle anticipe son effacement programmé. Le dessin pourrait  être le lieu privilégié de ce processus avec ses effets de recouvrement et de gommage, ses jeux de lignes et de masses, ses constructions en noir et blanc. Moins esthétisant que la peinture, il se veut plus souvent didactique, précis. Il n'est rétif ni aux techniques ni aux sciences. Il échappe aisément aux règles et aux canons de l'art. Le dessin propose cette utopie d'un horizon comme aboutissement. Une même étymologie embrasse ces trois mots: dessin, dessein et le verbe " désigner".

Eglé Vismanté joue avec brio de ce territoire-là, incertain, quand  une narration littéraire, souvent discrètement référencée, se dispute à une désignation  scientifique poussée vers l'absurde. Imaginons les inventions rêvées et dessinées par Vinci mais revisitées par Picabia qui aurait lu Cervantès. Ou une chimère de Jules Vernes dessinée par l'un de ses personnages. Au moins l'artiste assume-t-elle le risque de poursuivre ce processus imaginaire, de l’accompagner dans sa cohérence ultime, l'effacement. Cette disparition programmée de l’œuvre correspond dans le temps à l'inscription d'une utopie. Elle est un acte performatif toujours en mouvement. Et une expérience de l'imaginaire.



Godot's paper

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