vendredi 20 octobre 2017

Jean- Michel Fauquet

Musée de la photographie Charles Nègre, Nice




"La vitesse, c'est la vieillesse du monde... emportés par sa violence, nous n'allons nulle part, nous nous contentons de partir et de nous départir du vif au profit du vide de la rapidité. Après avoir longtemps signifié la suppression des distances, la négation de l'espace, la vitesse équivaut soudain à l'anéantissement du Temps : c'est l'état d'urgence. »
Paul Virilio, « Vitesse et politique »

La photographie s' inscrit dans le contexte précis de la révolution industrielle et l' accélération du temps qu’elle suscita . Prenant en charge la corrélation de la vitesse et de la lumière, elle impose dans notre système représentatif une révolution majeure qui se poursuivra avec le cinéma. Penser la photographie implique une conception nouvelle de l'image et de sa relation au temps. Après la durée longue d'un artisanat entièrement manuel, de la préhistoire jusqu' à la fin du 18e siècle, le 19e siècle inaugure ainsi le règne de la machine, de l'appareil photographique, de l'instantané, et redéfinit les relations de l'image et du réel. Celles aussi de l'idée, du corps et de leur représentation.

                           Jean-Michel Fauquet est photographe. Pourtant il travaille la photographie sur ce temps ancien dominé par le dessin, la sculpture et la peinture. Autant dire qu'à l' « instant décisif », à cette fixation du temps, à la captation soudaine d'un espace, il répondra par un hors temps et un hors champ. Se définissant photographe d'atelier, il se plaît à rappeler l'anagramme existant entre les mot « atelier » et « réalité ». Car s'il s'agit bien toujours de réalité en photographie, celle-ci échappe peut-être à son corset de visibilité. La réalité ne saurait se réduire à un découpage instantané du réel; elle se fond avec le ressac des temps anciens, des mythes, des angoisses et de tout un champ culturel que l'artiste prend en charge.

                          Photographe de l'intemporalité, Jean-Michel Fauquet travaille la photographie à partir de la peinture. L'image est est à la fois rayée et floutée par les coups de brosse de l'huile sur le papier. Parfois le trait, la tache ou l'estompage du dessin s'impose contre la brutalité d'une image trop soudaine. C'est une autre violence, plus sourde, plus intime qui remonte alors à la surface lorsque le photographe réalise des sculptures en carton à l'apparence ferreuse qui sont autant de constructions étouffantes, malsaines, quand elles investissent la photographie pour la vider de toute actualité, de toute possibilité de dire le présent.
                             Peut-être faudrait-il ici parler de « gravure photographique ». En parler avec gravité, dans le seul temps de l'inquiétude et de la méditation. On pense aux eaux-fortes de Goya pour ses « caprichos », à celles de Jacques Callot, à toutes ces images d'une souffrance qui érode toute rationalité, toute possibilité d'une représentation objective. Ce ne sont que gangues, garrots, cordages esquissés, allusions à des prothèses infernales, à des membres végétaux, à un cauchemar qui se fraye son chemin vers une aube peut-être paradisiaque quand soudain la nature surgit d'une brume argentée et l'on pense à Théodore Rousseau, à Corot... Jean-Michel Fauquet maîtrise parfaitement la mise en scène. Les photographies s'agencent parfois comme dans un retable; parfois, elle se mesurent à des volumes. Toujours elles ne cessent de dire ce qu'est la photographie dans sa relation à l'art, au mystère et aux limites sombres ou lumineuses du sacré.

                             Jean-Michel Fauquet résume parfaitement cette œuvre quand, après l'avoir présentée, il déclare : « Être à l'avant-poste du désespoir pour être aux premières lignes du bonheur ».

Michel Gathier

Du 20 octobre 2017 au 21 janvier 2018



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