Villa Arson, Nice
Morgan Patimo, "It's for the kids" dessin aux feutres réalisé in situ
« Inventeurs
d'aventures » : De ce double vocable surgit l'un de ces
pléonasmes que les artistes affectionnent, non seulement parce qu'il
engage une même étymologie dans le sens de « venir » et
celle d'un destin à mettre en œuvre, mais surtout pour cette
intuition qu'un pléonasme demeure une mise en miroir de deux mots
et, qu'entre ceux-là, se joue toute une gamme d'attirances et de
contradictions comme ferment d'un geste artistique.
Mais un geste n'est pas l’œuvre en soi ; il en
préfigure l'accomplissement. Physique ou mental, là encore
faudrait-il recourir à son sens médiéval d'une « chose
faite » pour lui ajouter cette matérialité nouvelle que l'artiste
propose. Même balbutiante, même irréductible à la « chose »
ou fractionnée dans un environnement d'objets, même se mesurant à
l'immatériel et à la multiplicité des supports, l’œuvre d'art
énonce ce projet avant même de prendre corps.
C’est peut-être là que réside la véritable réussite de
cette exposition. Dans l'ensemble des 22 propositions qu'essaime
l'architecture labyrinthique de la Villa Arson, des trames de récit
se nouent, se jaugent et parviennent à dessiner le paysage de que
serait une aventure artistique aujourd'hui. D'anecdote en anecdote ou de la superposition d'un lieu à un autre, un paysage se compose. Un paysage est un espace
ouvert qui a pour fiction un horizon. Celui-ci est une ligne de
flottaison pour le sens ; il vacille, cherche son équilibre et,
de ce mouvement inégal, il conduit cette démarche en dehors des
clous, au-delà des normes, pour le territoire de l'artiste ou de
l'aventurier. L'horizon, seul le fou voudra l'atteindre mais seul
l'artiste peut prétendre le figurer.
Or parmi toutes ces propositions, ce qui frappe c'est que, contre toute présence du corps ou d'une quelconque subjectivité, cet extérieur paysager domine. Parfois un espace qui fait
référence à une iconographie classique mais détournée par le
champ social ou politique. Parfois, à l'instar des mythes anciens,
l'espace est terra incognita, champ d'expérience, terre de
possibles. La résonance d'une video se heurte à des souvenirs
picturaux ; ailleurs, la sculpture est contaminée par le
vivant, absorbée par le biologique. Car c'est bien la vie, dans son
intensité extrême, ses soubresauts peut-être, qui s'agite ici, se
réactive et formule ses multiples espérances. Sans doute
faudrait-ici rendre compte de chaque parcours, mais ce serait encore
une autre histoire, une longue saga pour laquelle il faudrait
recomposer les fils. Contentons-nous donc d' « entrevoir »,
c'est à dire de penser, d'imaginer – dans notre propre aventure –
ce que serait cet espace et ce temps à défricher pour de nouvelles
mythologies.
Michel Gathier
Michel Gathier
Avec Chloé Angiolini & Elodie Castaldo (La Balnéaire) ; Vincent Ceraudo ; Antoine Donzeaud ; Yohan Dumas ; Camille Franch Guerra & Evan Bourgeau ; Xiaoxin Gui ; François-Xavier Guiberteau ; Amandine Guruceaga ; Aurélien Lemonnier ; Martin Lewden ; Rafaela Lopez, Baptiste Masson & David Perreard ; Robin Lopvet ; Marie Ouazzani & Nicolas Carrier ; Jordan Pallagès ; Morgan Patimo ; Georgia René-Worms ; Thomas Royez ; Elvia Teotski ; Anna Tomaszewski ; Rebecca Topakian ; Samuel Trenquier ; Gaëtan Trovato & Robin Touchard
Commissariat : Gaël Charbau assisté d’Aurélie Faure
Exposition du 15 octobre 2017 au 7 janvier 2018
Gaëtan Trovato § Robin Troucard, TRINAKRIA, installation video et fragments d'images projetées
Elvia Teotski, "Un monde en construction", installation non statique, culture de champignons.
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