A
partir de la Grèce et avec l'Agora, l'occident se construisit sur une
confrontation orale de laquelle l'idée de démocratie émergea. La
révolution française consacra d'ailleurs ce triomphe de
l'éloquence. Une histoire bien française qui continue encore... A
l'autre bout du monde, la Chine, elle, se construisit sur l'écriture. La
calligraphie porte en elle-même le sceau de la nature et, dès lors, un autre
paradigme s'établit, non plus sur l'horizontalité des rapports
sociaux mais sur la verticalité qu'incarne l'Empereur dans cette
filiation entre la terre, l'homme et le ciel. L’écriture lui en est
alors consubstantielle et, plutôt qu'un tribun, l'Empereur est celui
qui lit et paraphe journellement les rapports que, de toutes parts, une
« armée de lettrés » lui fait parvenir. La Chine ne se
comprend pas sans cette relation à l'écriture et son lien intrinsèque à la nature. Et il n'est pas
anodin que ce sont, en France, des poètes qui l'ont le mieux exprimée - Claudel dans sa « Connaissance de l'est » et Ségalen
dans « Stèles ».
Sans
doute faudrait-il les relire pour vivre ce beau voyage dans le temps
et l'espace chinois que nous propose le Grimaldi Forum de
Monaco. Cette exposition est une mise en scène parfaitement
structurée de ce que fut cette Chine de la dernière dynastie entre
1644 et 1911. La Cité Interdite revit donc cet été à partir de 250 œuvres
issues pour la plupart du Musée du Palais impérial à Pékin et qui
n'en étaient jamais sorties. Mais beaucoup proviennent aussi de
collections d'Europe ou d'Amérique.
L'exposition
s'organise autour de thèmes tels que « S'incliner devant le
fils du ciel », « Vénérer le ciel », « Honorer
les ancêtres », « Interroger le ciel » qui
expriment cette filiation verticale mais aussi, par exemple, « les
jardins impériaux » comme microcosme du monde. On y trouvera
aussi , entre autres, « le jardin bouddhique » et « le
salon de musique »...
L'oeuvre
d'art se confond ici à la fonction d'usage de l'objet. On trouvera
donc, dans un parcours savamment ordonné, des calligraphies, des
peintures sur soie et même à l'huile, des bronzes mais aussi des
armures, du mobilier, des porcelaines et des costumes d'apparat. Et l'on y admirera la beauté fulgurante d'une écriture, de cette calligraphie qui est en elle-même la plus intense des œuvres d'art.