samedi 24 juin 2017

Noël Dolla, "Restructurations spaciales"

Galerie des Ponchettes, Nice, du 24 juin au 22 octobre 2017


Il y a là comme un fil rouge à tirer, un chemin à tracer dans la confusion de l'extérieur et de l'intérieur, d'un espace tendu de tarlatane , de points et de couleurs. Mais aussi du rappel d'un éphémère passé dans une construction spatiale présente mais tout aussi éphémère...

Dévidons donc l'écheveau de ce temps, et pourquoi pas, allons très loin, vers  cet instant où la peinture tend à se fixer dans un sens, dans une rationalité qui nous conduira jusqu'à Matisse. Et puisque Dolla lui-même évoque Giotto, retournons en 1306 quand Giotto achève sa « visitation » dans l'église de l'Arena à Padoue. Devant un vaste pan d'un bleu Klein uniforme, se détachent parmi des personnages isolés, deux femmes enceintes, Marie enceinte de Jésus et sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean Baptiste. Quelques siècles plus tard, Noël Dolla investit le ventre de la Galerie des Ponchettes où résonnent encore les souvenirs de quelques grand noms de l'histoire de l'art. Histoire d'enfantement dans la couleur et l'aléatoire de la forme.

Mais nous savons que l'accidentel porte sa part de rationalité et c'est ce que l'artiste ne cesse de scander, en peinture, depuis les années 60. Risquons donc l'hypothèse folle, s'il s'agit de hasard et d'inconscient, qu'en investissant ce lieu clos et sans fenêtre mais agrémenté de voûtes à l'égal d'une chapelle, se joue ici un accident du temps et de l'espace et qu'une forme de « visitation » se joue, scénographiquement, dans la rencontre fortuite de deux éléments à la fois complémentaires et opposés: l'intérieur et l'extérieur.

Noël Dolla a revêtu les cloisons de larges pans colorés mais ceux-ci sont structurés par des bandes de tarlatane qui, à l'égal de pansements, sont censés recouvrir les fissures des parois . Il y a là l'écho d'une plaie, d'une cicatrisation, d'une inquiétude sur une naissance à venir, sur la création qui advient au terme des noces de la couleur et de la forme. Le lieu se structure du fait  de cette tension qui s'exprime aussi par un rapport contradictoire au temps.
En effet cette construction extrêmement intériorisée, présente pour la durée d'une exposition et à vocation éphémère, devient le réceptacle d'une série d'images qui font parfois penser à ce fil narratif qu'on rencontre souvent dans les églises pour un récit édifiant. Mais ici, nulle autre figure que la puissance de la nature que signe l'artiste. C'est ainsi que les bandes de tarlatane, légèrement ourlées de couleur, nous conduisent vers ce qui fut un extérieur, une nature reconstruite, une séries d'actions picturales sur la montagne, l'eau, la plage, la roche, la neige... N'en subsiste que l'image fixe de la mémoire photographique. Ainsi s'égrènent dans un désordre aléatoire ces notes à la fois renaissantes et perdues. Elles ne sont pas disposées comme des peintures qui s'offrent au regard dans une galerie mais elles essaiment leurs représentations mortes dans l' exubérance de l'action du peintre qui ensemence le lieu par la couleur.
Car, pour le peintre, c'est la couleur qui donne naissance au monde.







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire