Le Grand Café, Centre d’Art Contemporain, Saint-Nazaire
Jusqu’au 10 septembre 2023
Comme l’union de la carpe et du lapin, «Souvenir nouveau» se veut une locution de coïncidences et de paradoxes pour, dans un même espace, la présentation de peintures acidulées et pop de Nina Childress ou de Jean-Luc Blanc face aux raccommodages inquiets de Liz Magor. L’art se nourrit ainsi de ces accidents qui s’emparent des normes pour s’ouvrir à de nouveaux territoires. Et de cet ensemble rythmé voire chaotique, émerge un présent programmé comme une mémoire avec en guise d’introduction: «Les contrastes accentuent les échos entre les œuvres pour aller chercher derrière les généralités des lignes de force souterraines qui nous parlent toutes d’un rapport au temps présent hanté par des réminiscences.»
Sur ce fil discontinu, une vingtaine d’artistes de plusieurs générations élaborent esthétiques ou concepts qui se croisent, se heurtent ou se dissolvent dans un temps déconstruit. Mais il est dit que «le passé est un inépuisable magasin de nouveautés». Aussi tout peut se décliner avec humour ou dans le sérieux d’une autorité hautaine quand l’artifice répond au réel et que peintures, sculptures, photos et vidéos se télescopent dans un accrochage audacieux pour délivrer un récit parfois tout autre que celui que l’artiste aurait pressenti. C’est ainsi que les automatismes de langage élaborés comme des séquences peintes de Sylvie Fanchon se trouvent en résonance avec des toiles lumineuses de Samuel Richardot où corps et paysages s’assemblent dans une identité rieuse. De même les photographies d’Anne-Lise Seusse désignent des masses d’objets hétéroclites dénichés aux Puces de Saint-Ouen pour une réflexion sur la marchandise et l’écologie quand, ailleurs, les œuvres de Pierrette Bloch élaborent leurs superbes enchevêtrements de nœuds et de mailles tricotées comme des dessins ou des mots qui parlent de l’épaisseur du seul silence…
Comment tout réunir quand tout s’oppose? Comment construire un discours quand le fil conducteur est rompu et qu’un temps détruit répond à un espace friable? Peut-on croire qu’entre elles les œuvres entretiennent toujours un dialogue? Au moins, au-delà de la qualité de beaucoup des œuvres présentées et de son ambition, cette exposition a-t-elle le mérite de dire en creux ce qu’elle veut nier: On ne dit pas n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment.
Sylvie Fanchon