dimanche 11 juin 2023

Jeffrey Conley, «Une ode à la nature»

 


Musée de la photographie Charles Nègre, Nice

Jusqu’au 24 septembre 2023





On l’imagine à l’affût derrière l’objectif de la chambre noire, guettant la moindre variation qui soulignerait les contours invisibles de la petite planète bleue à moins que ce ne soit plutôt cette brume de lumière qui en assourdirait les palpitations. Au cœur de la nature, Jeffrey Conley ausculte le monde, dans sa perfection et ses blessures, et sa grandeur souveraine pour en suggérer la fragilité. Chacune de ses photographies résonne de ces palpitations par lesquelles, dans un noir et blanc velouté ou soyeux, un paysage se révèle. Mais ici rien d’anecdotique, tout tremble encore d’un souffle primordial ou des vapeurs à venir d’un feu éteint. Le photographe traque «le silence éternel de ces espaces infinis» et le révèle.

Perfection de l’image à l’issue d’un temps méditatif quand l’eau ou la terre se mesurent à l’ombre d’un arbre et que l’infiniment petit s’écrit comme un fragment d’éternité. Jeffrey Conley a enseigné dans le parc national de Yosemite et n’a cessé de capter ces vibrations qui dessinent la puissance d’une nature encore inexplorée dans la tradition et les mythes de la littérature et de la peinture américaine du XIXe siècle. On songe à la poésie des grands espaces, des forêts et des rivières, à Thoreau ou Jack London; on entend la clameur des grands paysagistes de l’Hudson River School comme quand, dans leurs tableaux, Thomas Cole ou Frederic Edwin Church célèbrent la beauté d’une nature sauvage qu’il faut à jamais préserver. Pour le photographe, tout se réalise au terme d’un long processus pour extraire l’image, par le temps de pause, par des procédés chimiques complexes semblables à l’expérimentation de matières picturales pour révéler le monde, Dans une démarche analogue à celle du graveur, Jeffrey Conley recueille le geste essentiel, la nervure du vivant, tout ce qui s’imprime aux confins de l’abstraction.

Au plus près des éléments, de subtiles nuances de blanc et de gris diffusent cet émerveillement face à des forces que le photographe parvient à traduire dans le mouvement des vagues à l’intérieur du ciel ou dans l’éclat lumineux d’une cascade au cœur d’un rocher. Les changements d’échelle bousculent notre perception et l’univers se transforme et se confie à nous autrement. Jeffrey Conley explore l’ossature invisible de l’univers au-delà de la seule perception rétinienne. La photographie est alors cet instant de méditation qui nous entraîne dans l’éblouissement poétique.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire