mardi 6 juin 2023

Patrick Moya, «Le petit céramiste»

 


Maison de la Céramique Terra Rossa, Salernes

Jusqu’au 15 juillet 2023



Plonger dans le monde de Moya c’est toujours expérimenter une cure de jouvence, s’adonner au seul plaisir de l’évasion et de l’enchantement. Mais le merveilleux est parfois semé d’embûches à l’instar des forêts médiévales, des contes de fées ou des rêves. L’artiste est alors celui qui interprète cet univers où le réel se cogne à l’imaginaire pour s’ouvrir vers un dédale de figures qui nous ramènent aux vestiges de l’enfance avec son innocence mais aussi ses mensonges ou ses terreurs enfouies. Tel est cet univers avec ses anges ou ses démons, ses nounours et ses diablotins, ses personnages candides échappés de notre quotidien mais pourtant si proches comme s’ils nous murmuraient quelque vérité insaisissable. L’univers de Moya se dévoile toujours en même temps qu’il se dérobe. Il est multiple et se saisit de toutes les techniques pour en sonder monts et merveilles par le geste d’une naïveté feinte.

Si Moya est adepte du monde virtuel et de Second Life, il est pourtant peintre, sculpteur mais aussi céramiste, au plus près donc de la terre et de la matière qu’il faut pétrir pour lui donner forme et sens. Dans la superbe architecture de la Maison de la Céramique de Salernes, l’artiste présente un condensé d’objets créés sur plusieurs décennies en Italie, à Vallauris ou ici avec Alain Vagh. «La céramique est une alchimie entre le feu, la terre, les couleurs mais aussi les affabulations des artistes, leur naïveté et leur plaisir», déclare-t-il. Et en effet, sur un mode très différent d’une période à l’autre, Moya parvient à donner vie à ses créatures fantastiques, à ses moutons rêveurs ou ses oiseaux rieurs dans une nature stylisée aussi incertaine que le monde des apparences. Car dans ce rêve éveillé, on sent poindre une inquiétude comme si le petit bonhomme au nez menteur, dans le sérieux de ses lunettes et de sa raideur assurée - mais pourtant étranger sur la terre - ne témoignait pas d’une certaine solitude dans son interrogation au monde. Les multiples statuettes multicolores voisinent des assiettes, des vases ou des carreaux d’argile, toujours dessinés dans ce registre de la fantaisie et de l’humour comme pour témoigner de notre fragilité. Et Patrick Moya s’amuse à brouiller les pistes en se représentant lui-même sur ses toiles ou en jouant sur son propre nom. Alors pour dire la fabrication de la céramique, il expose aussi des peintures sur lesquelles son avatar se décrit en train de malaxer la terre ou de la peindre. Face aux céramiques, il crée ainsi un jeu de trompe-l’œil pour renforcer l’effet onirique si joyeusement orchestré. De surprise en surprise, le visiteur se laisse emporter par cette liberté folle de l’imaginaire.






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