En contrepoint de la fière Fondation Luma qui domine la ville d’Arles, le Centre de Lee Ufan se déploie humblement dans l’Hôtel Vernon que l’architecte Tadao Ando a réaménagé dans une parfaite osmose avec l’œuvre de l’artiste. Né en Corée en 1936, Lee Ufan vit essentiellement au Japon et en France. Tout à la fois théoricien de l’art, philosophe, poète, sculpteur et peintre, voici un homme qui se fond dans l’espace et le traverse en recueillant ces bribes de signes par lesquels les fragments de l’univers répondent à la pensée humaine dans un silence méditatif. Toute l’œuvre de l’artiste, à mi-chemin entre le minimalisme et le concept, répond à cet absolu d’harmonie et d’équilibre pour éprouver la pure présence des êtres et des choses dans l’espace. Plus que jamais l’art est ici source de contemplation et, le positionnement des matières, le dialogue qui d’une pierre à l’autre étincelle dans la pénombre d’une salle, incitent à l’inspiration, au recueillement et à la spiritualité.
Se recueillir c’est aussi cueillir des brins de lumière et les faire éclore dans l’ombre. Ajuster la rondeur inégale et les aspérités brutes d’une roche avec un chemin de graviers. Écouter la qualité du silence quand une plaque d’inox ou d’acier se dresse contre une encoignure ou, au contraire, se terre dans un creux. Et partout la résonance de la Terre dans l’infini et le murmure des pierres à travers le temps. Comme le tintement d’un gong, sur un mode zen, l’univers s’éveille alors et se recompose par le geste mesuré de l’artiste.
Le rez-de-chaussée est cet itinéraire à l’intérieur des entrailles minérales d’un univers dans lequel la densité est absorbée par la sérénité d’une vasque d’eau. La couleur n’est plus que tentative de lumière; les formes sont celles d’une érosion lente quand le geste de l’artiste les caresse plus qu’il ne les transforme. Conjuguer le naturel avec l’artifice dans l’idéal d’un souffle quand rien ne vacille dans la perfection de l’ordre des choses, voici la fonction de l’artiste quand il est celui qui révèle ce que nous peinions à formuler.
Aux étages, plusieurs séries de peintures sur grands formats ponctuent l’espace et l’empreinte de la brosse se dépose comme un pollen lumineux quand elle affleure la toile. Stries et lignes épurées s’animent et se chevauchent alors comme pour imprimer le flux et reflux du temps.
Lee Ufan écrit: «Dans le lointain, le vent s’endort / Des centaines de milliers d’années s’écoulent / Sans que je m’en aperçoive, je deviens pierre».