Musée National Fernand Léger, Biot
Jusqu’au 15 décembre 2023
Lorsque Fernand Léger découvre le cinéma et Charlie Chaplin en 1916, c’est pour lui la révélation d’un nouvel art populaire associé à la machine et au monde moderne. Cette invention donnera lieu à un film expérimental «Le ballet mécanique» qu’il réalisera en 1923. A l’intersection du cubisme et du dadaïsme, à travers un montage rapide et saccadé, le peintre assemble alors objets du quotidien et formes géométriques sur un rythme répétitif où se mêlent images et musique.
Un siècle plus tard, Pierrick Sorin reprend le dispositif de Léger, mais sur un mode burlesque, à travers une scénographie complexe où le merveilleux, la vidéo, les hologrammes et les théâtres optiques se conjuguent dans une symphonie de dérisoire et d’auto-dérision. «Le balai mécanique» - l’objet du délit - dépoussière l’œuvre de Léger pour peu que celle-ci eût quelques rides et nous entraîne dans une Danse de Saint Guy avec ses gestes désordonnés et son rythme endiablé.
L’humour est ravageur et le visiteur est happé par cette machinerie complexe faite de bric et de broc dans un déluge de lumière et de nuit, de chic et de choc. Pierrick Sorin est-il magicien, bricoleur, farceur ou artiste? Sans conteste, il est tout cela et il orchestre par un comique de répétition ravageur son festival optique d’objets incongrus et de fulgurances parmi lesquels l’artiste interprète, comme un pantin désarticulé, son propre rôle. Auteur et acteur, étranger au monde et aux choses, mais rêveur éveillé et créateur de merveilles, il nous entraîne sur les chemins de la poésie.
L’ombre de Jarry, Mélies ou Tati plane dans ce théâtre de l’absurde qui introduit une nouvelle dimension dans l’œuvre de Léger. Si le peintre est célèbre pour sa décomposition des plans et le cerne de ses dessins avec ses aplats de couleurs, il reste néanmoins un inventeur de formes nouvelles tout en s’attachant à demeurer proche du peuple. Avec son inventivité et ses gags, cette exposition infuse cet humour secret que l’œuvre du peintre recèle parfois. Le face à face de Léger et de Sorin est grandiose dans cet échange d’ironie et d’humilité. Ici l’art est à la portée de tous sans jamais s’abandonner à la facilité. On regarde autrement. On admire, on s’étonne et on rit. Pari gagné.
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