jeudi 30 mars 2023

Miriam Cahn, «Ma pensée sérielle»



Palais de Tokyo, Paris

Jusqu’au 15 mai 2O23


                         Oui la peinture de Miriam Cahn est scandaleuse. Délibérément. Non pas en ce qu’elle qu’elle suscite pour certains de méconnaissance et de réprobation mais parce qu’elle ose énoncer et dénoncer les scandales du monde. Et la peinture n’est jamais une abstraction, elle fait corps avec l’univers et la vie et c’est bien ce corps à corps douloureux que l’artiste s’attache à mettre en scène.

Le corps donc comme l’antre des pulsions et des blessures avec le sexe qui déchire ou comme plaie béante. Et la fluidité de la lymphe et du sang qui se saisit de la peinture pour embrasser la puissance organique d’un paysage surgi d’une apparition hésitante. Car l’univers de l’artiste suisse née en 1940 se saisit de ces silhouettes fragiles, dans l’interstice de la vie et de la mort, en proie au chaos du monde. Les visages à peine esquissés sont des ballons vides, les corps se diluent dans l’espace. La souffrance rayonne de tous ses dards au cœur de l’humanité.

Plus de deux cent œuvres de 1980 à nos jours retracent ce cri face à la guerre, aux injustices, mais aussi qui clame notre fragilité, nos terreurs intimes dans un espace insondable. La peinture de Miriam Cahn en fournit l’architecture avec ses arêtes et ses vides. Toute en coulures ou en nuages crayeux, elle désigne le déséquilibre et la chute dans les entrailles de la souffrance. Accrochées dans un état précaire, les œuvres résonnent de leur solitude et d’un état d’abandon pour extraire ce fond de terreur qui traverse l’univers et mutile corps et âmes. Couleurs organiques ou artificielles façonnent ces entrailles et ces peaux flottantes au gré des machineries militaires qui les déchirent. Le monde brûle et nous en sommes la cendre.

La puissance hallucinée de l’horreur irradie cette œuvre dans le souvenir de Goya et des désastres de la guerre. Et le corps est l’enveloppe de cette violence originelle que Miriam Cahn décrit au plus près de l’universalité, dans sa nudité et sa fragilité. Et le sexe en est la flamme, tour à tour arme et blessure. Œuvre scandaleuse? Étymologiquement, le scandale est une pierre d’achoppement, le prélude à une chute. Par extension, il donna le verbe «scander». Alors oui, cette œuvre est bien la résonance d’une plainte et de sa litanie. Elle est un chant psalmodié dont la répétition lancinante conjure la force du mal.











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