Musée Jacquemart-André, Paris
Jusqu’au 23 janvier 2023
Peintre de l’étrange, Johann Heinrich Füssli fut lui-même un érudit fort contrastée, en prise avec de multiples paradoxes dans sa réalité comme dans son imaginaire. Né à Zurich en 1864 dans une famille d’artistes, il poursuit néanmoins des études de théologie et devient Pasteur. Ayant dénoncé un scandale, il est alors déchu de sa charge et doit s’exiler en parcourant la France, l’Italie et surtout l’Angleterre où il s’établira définitivement en 1778.
A Londres, féru de théâtre et de littérature, Füssli se passionne pour Shakespeare, Dante, Milton ou Homère. La violence du clair-obscur, les mises en scène grandioses et les jeux d’acteurs s’impriment sur de vastes compositions qui lui assureront le succès. Académicien et Professeur à la Royal Academy, Füssli échappe sur bien des plans aux différentes lectures qu’on peut faire sur son œuvre.
Dans une palette parfois dépourvue d’éclat, il parvient pourtant à traduire des espaces saisissants rappelant le rococo italien du XVIIIe siècle. Mais à la scénographie religieuse, il substitue du grotesque ou de l’érotisme dans des compositions oniriques chargées de gnomes, de sorcières et d’extravagance. La femme omniprésente évolue dans des poses théâtrales le plus souvent pour assouvir un fantasme de domination. Dans un monde nocturne, les réseaux de l’imaginaire se croisent dans des thèmes macabres ou des rencontres sulfureuses et Füssli ne rechigne d’ailleurs jamais à choquer son public. Il aime s’imposer tant par sa personnalité que par la profusion et l’exubérance de ses œuvres.
Vraie ou fausse folie, qu’importe! Il n’en reste pas moins que son œuvre amorce le romantisme noir qui prévaudra alors en Angleterre. Il écrira: «Je sens que des pouvoirs m’ont été donnés par le Divin». Dans ce jeu de prémonitions, de fantasme et parfois de grandiloquence, c’est aussi l’inconscient qui laboure la surface de la toile. Entre terreur et délice, des monstres surgissent et rugissent dans la volupté ou la douleur. L’anatomie est parfois approximative mais la fulgurance du rêve l’emporte. Le surréalisme n’est plus loin.