Montpellier MO.CO Panacée, Musée Fabre, Espace Dominique Bagouet
Jusqu’au 8 janvier 2023
Sam Krack
Entre les racines ou les ruines de la mémoire et les incertitudes du lendemain, l’art essaime ses traces sur notre présent comme autant de pas sur une terre inconnue. Comment ceux-ci se déposent-ils et comment ils s’impriment, tel est ce défi auquel doivent répondre les artistes de la jeune génération qui, au sortir de l’école, se confrontent à la nécessité d’innover tout en s’emparant des enjeux et des inquiétudes du monde contemporain.
Ce qui s’impose alors ce n’est plus la monumentalité ou la certitude des matières et des formes mais plutôt la fragilité qui se lit dans le trouble des frontières. Celles-ci s’expriment par le choix des médias, dans l’humilité du propos et toujours dans la symbiose des éléments. mais aussi du passage du réel à l’imaginaire, dans ce que notre monde clame et ce qu’il recèle de silence. C’est dans ce brouillage de la peinture, de l’image internet et du réel le plus trivial de la marchandise que Sam Krack propose une déclinaison de rideaux peints mais laissant apparaître leur réalité sur la tranche du tableau. Trivialité du thème pour une peinture de grande solitude. La peinture revient d’ailleurs avec force dans cette Biennale soit parce qu’elle est hantée par les germes de sa disparition soit comme support ou illustration d’un traumatisme. Matthieu Hemmer l’incorpore à une installation où rien ne s’élucide mais dans le seul constat que le lien qui nous relie à notre quotidien ne cesse de s’effriter et que l’art d’aujourd’hui en porte le douloureux témoignage. Dans ses aquarelles, Ugo Lange défait la trame de nos identités biologiques quand l’animal et le végétal s’incorporent à l’humain.
L’incidence du numérique et de la culture internet est frappante. L’installation de Jérémy Griffaud, «Enlarge Yourself » parle de cet afflux d’images comme autant d’échappées sur la fiction la plus débridée par ses artifices de formes et de couleurs. Entre rêve psychédélique et récit d’un monde où le réel se cogne à la brutalité de notre consommation quotidienne, voici un univers qui surgit sur les vestiges du chaos dans une danse carnavalesque et dans un bonheur grimaçant.
La photo et la vidéo témoignent de l’inscription de l’image, dans toute son ambiguïté, dans tous les instants de la vie. Le jeune artiste est aujourd’hui d’emblée confronté à ces images par leur multiplicité asphyxiante ou, au contraire, par leur puissance de témoignage. La vidéo «Le baiser» de Vehanush Topchyan quant à elle joue sur les gammes de l’évanescence et de la disparition. Autant dire que cette Biennale s’inscrit dans la fragilité d’un monde au seuil d’un basculement, là où réalité et fiction se toisent dans un même regard inquiet. Mais ce jeune regard propose des œuvres lucides qui ne s’embarrassent d’aucun tabou. L’art jaillit ici en toute liberté et c’est là la grande réussite de cette 2e Biennale d’artpress.