MRAC Occitanie, Serignan
Jusqu’au 25 septembre 2022
Porter un titre c’est aussi signer une revendication, affirmer un acte de bravoure. Dans son «Champ de Mars», Nathalie du Pasquier, artiste née en France en 1957 mais désormais naturalisée italienne et vivant à Milan, s’amuse de tous les cloisonnements et se joue de toutes les parades et de ces défilés de héros quand ne subsiste toujours que le spectacle muet des choses: La chose, l’objet dans son seul exhibitionnisme, parleraient-ils autre chose que de la nudité de sa représentation? Et dans le sillage de Morandi proclamerait-elle son étrangèreté avec l’humain et, plus encore, avec l’artiste qui s’acharne pourtant à la désigner? Nathalie du Pasquier se joue de tous les codes. Elle décloisonne et fouille les compartiments de la représentation comme autant de scènes pour insérer ce pion qui déroute la partie d’un jeu qu’on devine de loin en loin mais dont l’issue reste prisonnière autant de la chose elle-même que de notre regard.
Être artiste c’est ainsi prendre au piège notre présent, celui là même qui nous dicte sa loi dans l’immédiateté des affects ou de la circulation de l’art dans l’économie de la finance et de l’opportunisme sociétal et politique. Rendu à sa solitude extrême, l’objet n’est alors qu’un écho tautologique de «La chose est l’objet de la chose qui est la chose...». Nulle narration ici, sinon cette gloire solitaire d’un trait ou d’une nature morte pour celle qui s’illustra d’abord dans le design – c’est à dire dans une rupture historique entre la forme et sa fonctionnalité. L’objet devient alors le miroir de la peinture. Tour à tour, Nathalie du Pasquier y inscrit son histoire entre abstraction, cubisme, hyper réalisme, suprématisme, Mondrian ou Matisse. Et surtout elle dit cette métaphysique du mystère de la présence, souvenir lointain de Chirico, non plus dans l’ombre d’un décor mais par son trouble jeté en pleine lumière.
Mais la peinture est la peinture de la peinture… Alors elle s’empare du cadre, et du mur, puis de l’architecture. Et l’artiste y trace sa géométrie, ses couleurs vives, les empreintes répétitives et industrielles, la forme des outils, un verre comme pétrifié dans la glace d’une nature morte. Tout est là mais toujours en trompe l’œil. Espace trop présent pour être réel, trop vrai pour se blottir dans les aplats colorés qui investissent une figure, puis le mur, puis l’espace adjacent. Jeu de pistes et jeux de miroir se télescopent ici dans un implacable environnement où minimalisme et figuration se croisent, étrangers l’un à l’autre.
La peinture est ce souvenir des formes, des outils et autres objets du quotidien qui traduisent l’essence du monde. L’homme n’en est que la prothèse, en serait-il la mémoire? D’un doute à l’autre, l’œuvre de Nathalie du Pasquier s’affirme dans sa revendication épurée de la peinture. Même lorsqu’elle sculpte, travaille le bois ou la céramique. Celle qui fut membre du groupe Nemphis qui révolutionna le design en Italie, ne cesse de penser l’apparence et ce qu’elle est censée désigner. L’idée de nature est étrangère à la séduction de l’artificiel. En deux ou trois dimensions, par aplats dévitalisés ou en volumes inextricables, Nathalie du Pasquier explore la vérité du monde et se révèle ici comme une des plus importantes figures de l’art d’aujourd’hui.