dimanche 31 juillet 2022

«Nadja, Un itinéraire surréaliste»

                                             Charles Lacoste, "La main d'ombre", 1896

Musée des Beaux Arts, Rouen

Jusqu'au 6 novembre 2022


«Qui suis-je?» tels sont les premiers mots du récit emblématique d'André Breton en 1927, trois ans après la publication du Manifeste du Surréalisme. Cette interrogation à l'origine de «Nadja» inaugure un troublant jeu de miroirs à travers lequel le sujet se décompose, s’articule avec d'autres corps et se configure dans une constellation d'images et de mots que préfigure déjà l'organisation scénique de cette poignante exposition du Musée de Rouen.

Dans le cadre de «Héroïnes», à Rouen et dans ses alentours, ce sont des figures féminines qui, en tant que personnages ou comme créatrices, tissent un réseau d'images et de pratiques par lesquelles se formulent cette transversalité des corps et des destins. Ainsi Nina Childress dans «Le tombeau de Simone de Beauvoir» rend-elle hommage à l'écrivaine en réinterprétant son univers familier par cette couleur qui lui est si personnelle, toujours en désaccord parfait avec l'idée de nature. De même que Sheila Hicks, à Notre-Dame de Bonville, présente ses sculptures textiles dans des extensions arachnéennes ou organiques qui embrasent des pans entiers de l'histoire de l'art loin de l'ossature du bronze ou du marbre.

Nadja fut cette héroïne saisie au carrefour du quotidien et du tremblement de la folie. De son vrai nom, Léona Delcourt fut cette femme que Breton suivit pendant neuf jours et dont il témoigne à travers des illustrations de rues, de monuments et autant de photographies ou d'images qui prennent le relais des mots. Il écrit: «J'ai vu ses yeux de fougères s'ouvrir le matin sur un monde où les battements d'ailes de l'espoir se distinguent à peine des autres bruits qui sont ceux de la terreur et, sur ce monde, je n'avais vu encore que des yeux se fermer.»

C'est sur ce monde là, à l'aplomb du rêve et de l'inconscient, que nos yeux s’ouvrent d'une salle à l'autre sur un portrait de femme de Picasso, un corps démembré de Max Ernst, ou «Idylle», extraordinaire peinture de Picabia de 1925 sur l'énigme de l'interpénétration des figures, la perte de l'identité et les friches de la folie. L'exposition se tisse autour d'une multitude d’œuvres surréalistes ou d'artistes contemporains autour du thème du sommeil ou d'un gant, autant d'éléments disparates puisés dans le réel et le hasard. Avec les derniers mots du livre: «La beauté sera convulsive ou ne sera pas».



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