lundi 1 août 2022

«Super Erró»



Château de Vascœuil (Eure)

Jusqu'au 23 octobre 2022


La dérision d'un titre répond au dérisoire de nos mythologies contemporaines. Pour son 90e anniversaire, Erró investit les cimaises du Château de Vascœuil par un torrent d'images qui nous impose une lecture implacable de notre monde. Peintre de la Figuration Narrative, imprégné de la culture Pop, il archive les affiches, les publicités, les bandes dessinées et les images de propagande politique qu’il mêle à celles des super héros de l’enfance ou aux figures les plus iconiques de la peinture classique ou moderne. Erró c’est l’incarnation de l’énergie créatrice, la volonté d’écrire l’histoire et d’en extraire le chaos.

La puissance de feu des images se refuse ici à toute hiérarchie. Dans de vastes compositions, Pinocchio coïncide avec les «Constructeurs» de Fernand Léger de même qu’un manga rieur rencontre un visage déchiré de Picasso. Compilation et détournement des images proclament les désordres du monde et les contradictions de la comédie humaine. Tout n’est que vitesse et disparition dans le flux incessant de l’image qui nous absorbe dans le règne de l’immédiateté et de la consommation.

Nulle respiration dans ces espaces saturés de couleurs outrancières, de formes dévitalisées et de perspectives vertigineuses. Erró nous renvoie le miroir de notre imaginaire collectif. Sans concession et avec un goût marqué pour la provocation, il nous entraîne avec humour dans les sillages de nos rêves absurdes et des pièges de la démesure. Le peintre archive, colle des images qu’il découpe et assemble. Il raconte ce flux qui s’empare de nos vies, ces instants désincarnés où les scènes de guerre, le sexe et les dictateurs se mélangent dans le feu éteint de nos mémoires. Il y a du Jérôme Bosch chez ce peintre-là. Mais chez lui l’enfer est présent, visible, face à nous. L’américanisation, l’érotisme de pacotille, les héros de papier glacé, les stars de l’irréalité, tout cela Erró ne cesse de le dénoncer. « Dans le monde inversé, le vrai est un moment du faux » écrivait Guy Debord. C’est ce monde là qui nous est restitué sans complaisance. Nos héros sont fatigués et Erró nous en retrace l’inutile épopée.



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