Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence
Jusqu'au 14 novembre 2021
L'été Giacometti
Toujours chez Alberto Giacometti revient ce fil incandescent de la sculpture comme si celle-ci, de ses mains, se réconciliait avec son point d'origine, délivrée de sa matière, réduite à la seule vérité du nerf qui l'organise et lui donne vie. Alberto Giacometti est à la fois celui qui parle de l'origine et qui trace un autre chemin. « L'homme qui marche » est pétri de cendre et, tel le chien ou le chat de ses sculptures, il renifle des miettes de lumière pour continuer à vivre.
La lumière, ce fut son père Giovanni qui, dans la peinture, la célébra. Né en 1868, il inaugura une lignée familiale d'artistes qui durant plus d'un siècle perpétua cette croyance en l'art, cette volonté folle de découvrir la vérité du monde. La Fondation Maeght nous raconte aujourd'hui cette histoire-là qui est celle du feu et de la cendre, celle des braises qui nourrissent de nouvelles flammes pour croire en la vie. Cette aventure s'incarne dans cette famille qui, dans la peinture, la sculpture, la décoration ou l’architecture, embrassa le monde de sa passion créatrice. Giovanni eut trois fils. Alberto, l'aîné, rayonne encore du bronze de ses sculptures émaciées et son œuvre s'expose aujourd'hui à Saint-Paul de Vence comme au Forum Grimaldi de Monaco. Entre l'ombre et la lumière, le plein et le vide, il nous place au cœur de l'acte créateur – celui que Nietzsche évoquait dans « La naissance de la tragédie » : l'opposition fondamentale entre le principe apollinien lié à la lumière et au feu et le principe dionysiaque sous les auspices de l'obscurité et de l'effacement.
Le père, Giovanni, fut l'un des précurseurs de la peinture moderne en Suisse. A côté des plus grands, Félix Valotton, Cuno Amiet et Ferdinand Hodler, ses talents de coloriste s'imposèrent avec une touche serrée et des aplats gorgés de lumière dans la représentation de la montagne ou de scènes familiales. Son autre fils, Diego, collabora à l’œuvre d'Alberto mais dans un souci affirmé du décoratif en intégrant la sculpture dans le mobilier. Meubles et luminaires se parent d'animaux du quotidien pour des fables légères qui illuminent le fer ou le bronze. Le benjamin, Bruno, proche des principes du Bauhaus, se révéla être l'un des architectes suisses les plus importants de l'après-guerre et l'exposition montre plans, maquettes et photographies de ses principales réalisations.
Augusto Giacometti, le cousin de Giovanni, s'illustra dans la première moitié du XXe siècle par une peinture poussée à son paroxysme dans l'emploi de la couleur et son rapport à l'abstraction dont il fut l'un pionniers à côté de Mondrian, Malevitch ou Kandinsky. La Fondation Maeght présente ici une exposition dont l'intérêt documentaire n'oblitère jamais la force des œuvres. Leur présence, dans un large éventail de couleurs et de matières, nous accompagne pour cette passionnante saga familiale qui écrivit l'une des plus belles pages de l'art du siècle dernier.