Galerie Xippas, Paris
Jusqu’au 3 décembre 2022
En contre-pied de l’image de l’artiste, Philippe Ramette aime à se présenter parfaitement vêtu et engoncé dans une honorabilité qu’il se plaît à déjouer malicieusement. Dans un récent tirage photographique, «Allégorie de la création», il domine dans toute l’emphase du culte de la personnalité un paysage qu’il est censé fertiliser par la grâce d’un arrosoir doré posé sur sa tête comme le képi d’un général. L’autodérision s’accommode alors du burlesque et dans la noblesse du bronze, l’artiste, à travers onze sculptures, en décline les gestes.
Dans la tradition des monuments en hommage aux personnalités officielles tels que ceux qu’il a réalisés à Nantes, il se présente lui-même arborant le prestige de la célébrité mais toujours sous les atours de l’absurde. Le déséquilibre physique mis en scène dans ses sculptures ôte pourtant à celles-ci toute velléité de grandeur et introduit une critique sur l’idée même de statue monumentale. Tel un Buster Keaton démontant la mécanique de ses gags, Philippe Ramette joue du socle comme réceptacle de la notoriété et du personnage qu’il supporte. Chaque œuvre apporte sa part de claudication, son pas de travers et son pince sans rire par la désarticulation du socle ou de la figure. Le déséquilibre est alors l’inscription d’un désordre mental qui se généralise dans une réflexion sur l’art et la société.
Le titre des œuvres fournit une explication ironique à ce que la figure illustre. Ainsi dans «Éloge du déséquilibre», le personnage s’appuie-t-il sur le mur quand dans «Proposition d’un monument de ceux qui se trompent toujours de direction», c’est l’artiste qui en désignera une. Mais celui-ci peut se dissoudre et, dans «Pas perdu», il n’en reste que l’empreinte de sa chaussure imprimée dans le bronze. Les mots s’associent alors à un monde désarticulé dont l’artiste ne cesse d’accentuer avec humour les fractures. L’une des sculptures montre Philippe Ramette portant son socle sur son dos. Tout se résume ainsi à cette métaphore de celui qui déménage dans un univers absurde que l’artiste supporte et désigne. Ça s’appelle l’intelligence.