Jusqu'au 24 juillet 2022
Musée d'Art Moderne de Paris
André Breton écrira: «Prague: Capitale magique de la vieille Europe». C'est donc là que naît dans un milieu modeste en 1902, Marie Cerminova qui dès 16 ans quitte sa famille, travaille en usine, fréquente les milieux socialistes et libertaires et prend le nom de Toyen en référence au mot «citoyen». Après un premier séjour entre 1925 et 1928 à Paris, elle revient à Prague où elle rencontre un certain succès avant de fuir le communisme en 1947 pour s'établir à Paris. Fréquentant les surréalistes, Toyen restera pourtant en marge de tout mouvement.
Au gré d'un parcours chronologique, l'exposition nous convie à découvrir une œuvre qui ne cesse d'évoluer comme si l'artiste, qui se refusait à être peintre, voulait effacer toute trace d'elle-même et que seule importait l’œuvre à venir. Dans une scénographie épurée, une première partie présente des tableaux réalisés entre 1920 et 1929 influencés d'abord par le cubisme avant de créer l' «artificialisme» en compagnie de Jindrich Styrsky, concept visant à «provoquer des émotions poétiques qui ne sont pas seulement optiques».
Les autres parties de l'exposition témoignent de cet «écart absolu» d'une artiste nomade pour laquelle l'image n'est que la traduction de la pensée saisie entre rêves et révoltes dans les soubassements du mental. Ni vraiment figuratif ni abstrait, l'art de Toyen oscille dans un espace fluctuant entre mer, ciel et liquide amniotique. La lumière s'enroule à des échappées nocturnes d'où s’échappent coquillages ou vulves, larves ou minéraux avant que tout ne s'évapore quand, des profondeurs de l'inconscient, tout reflue et s'échoue sur les plages du réel. L'humour, la mélancolie et l'érotisme se cherchent, se croisent et disparaissent dans la seule exploration des limites.
A la fois simple et complexe quand elle peut être aussi bien naïve, primitive ou d'une facture délicate, cette œuvre fait surgir monstres et horreur de la guerre mais aussi la puissance du rêve ou de l'hallucination pour les territoires inconnus de la poésie. Donner forme au sensible, telle est cette tâche à laquelle elle s'adonne et ce parcours hypnotique se poursuit sur 150 œuvres - tableaux, dessins, collages et autres documents. Un voyage au bout des songes.