dimanche 29 mai 2022

«La Couleur en fugue»

 


Fondation Louis Vuitton, Paris




Jusqu'au 29 août 2022

                  En s'échappant hors du châssis, la toile se libère et la peinture peut s'extraire de son cadre pour se mesurer à l'architecture du lieu où elle apparaît. Aux volumes pensés par Franck Gehry à la Fondation Vuitton, la couleur répond en se déposant parfois sur le sol, le plafond ou sur les murs ou bien en soulignant les éléments architecturaux sur lesquels elle prend appui.

               A la fin des années 60, Sam Gilliam présente ses premiers drape paintings, vastes drapés dont les plis et replis imbibés de dilutions d’acrylique et de pigments ondulent dans l'espace telles des vagues se heurtant aux parois et aux angles. Une étrange luminosité se diffuse dans cet intérieur comme si du linge séché s'emparait du ciel pour en extraire chaque atome de couleur. C'est à un tout autre exercice que se livre Niele Toroni. Toujours la même empreinte du pinceau à intervalle régulier redéfinit de nouveaux volumes sur de nouveaux supports. Ces traces ponctuent l'espace, le redimensionnent et y consacrent la souveraineté d'une couleur pure. Au contraire, pour Megan Rooney, c'est dans le déploiement de la mémoire, de la nature et de sa contraction dans le temps que la couleur prend forme et se répand comme des flammes sur les murs. Austérité de l'un, débordement lyrique pour l'autre, la couleur est ici le lieu d'un débat passionné dans lequel Steven Parrino aborde la question de la couleur absorbée par le volume jusqu'au point de se confondre à la sculpture. Cette confrontation d'une couleur pensée dans sa source, son autonomie ou dans la tension qu'elle exerce avec son environnement, permet de reconfigurer l'espace et de considérer la couleur à l'instar d'une écriture.

                      Mais la peinture emporte tout tel un ouragan. Katharina Grosse consacre le triomphe de celle-ci, par sa liberté, son feu intérieur et son pouvoir à embraser l'espace. C'est un flot de couleurs et de coulures, un déferlement de lignes et de lumières, un déluge de strates et d'illusions qui perturbent le champ visuel. La couleur atteint son paroxysme, elle s'empare de tout, du sol jusqu'au plafond. Son souffle se répand avec fureur sur ce qui s’apparente à un paysage halluciné. La couleur est bien alors une fugue, un rythme, un cri de liberté, une danse sauvage. Et pour cette exposition, comme l'écrit Suzanne Pagé, directrice artistique de la fondation, «Si la couleur échappe, on n'échappe pas à la couleur».

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