MAMAC Nice
jusqu’au 2 octobre 2022
Si Camus pouvait écrire «la langue française est ma patrie», c’est parce qu’avec elle se construit l’histoire d’un peuple qui configure son espace. De même, en Italie, la langue italienne s’installa avec le premier livre de Dante abandonnant le latin, «Vita Nuova», longtemps avant que le pays ne devienne une nation. Cette «vie nouvelle» rompait alors avec une langue assujettie à une organisation sociale et politique devenue obsolète comme ce fut le cas plus tard, vers 1960 quand une crise majeure modifia en profondeur l’identité italienne.
L’exposition du MAMAC, à travers l’universalité du langage de l’image et dans le contexte politique de l’Italie jusqu’en 1975, met en évidence les fractures et les nouveautés qui émergèrent alors dans le champ artistique du pays. En parallèle avec le prestige de son cinéma et de sa littérature, l’Italie des «années de plomb», tenaillée entre l’ombre du fascisme et l’émergence du terrorisme, se mesure alors sans concession à son histoire, son miracle économique, son américanisation croissante et à la société de consommation.
Cette histoire là, en trois chapitres, s’ouvre comme dans un livre avec une première salle consacrée à la figure de Pasolini pour se refermer sur une dernière lors de la mort de celui-ci en 1975. L’exposition se développe alors selon trois mouvements - «une société de l’image», «reconstruire la nature» et «mémoire des corps». La peinture, la sculpture, la photographie mais aussi l’image animée rendent compte du regard de 56 artistes et retracent cette histoire de la conquête des formes nouvelles avec leur part d’inquiétude ou d’enthousiasme. Si, bien sûr, Vita Nuova rend hommage aux artistes italiens les plus reconnus, comme ceux de l’Arte Povera avec Mario Mertz, Penone ou Pistoletto, elle réhabilite d’autres créateurs oubliés ou disparus prématurément comme Pino Pascali lequel n’ambitionnait pas tant de traduire la nature dans sa force primitive que de l’inscrire dans sa relation au monde industrialisé et au design.
Sans doute l’exposition la plus exhaustive, depuis celle organisée par Germano Celant au Centre Pompidou en 1981, Vita Nuova remet les femmes,souvent marginalisées ou ignorées, au cœur de la scène artistique de cette période. Parmi elles, Marisa Merz explore la relation du corps à l’image qu’il renvoie tandis que Lisetta Carmi photographie des travestis en usant des codes du reportage pour jouer de l’identité sexuelle et des préjugés qu’elle révèle. Quant à Carla Accardi, elle se hisse au niveau des artistes les plus singulières de son temps.
Art engagé socialement ou tourné sur une réflexion sur lui-même - le souffle du geste et de son extinction comme dans les superbes œuvres de Giorgio Griffa - l’exposition met en valeur la diversité des approches conceptuelles. Mais aussi la complémentarité de mediums supposés se contredire. Ce sont ces hésitations et ces bouleversements que les artistes introduisent dans la société italienne d’alors qui agissent en filigrane en deçà de la surface des œuvres. Cette «vie nouvelle», par laquelle la pensée s’enroule au monde par une approche du sensible reste pourtant ici d’actualité tant elle travaille encore les artistes contemporains. Et que l’exposition soit présentée à Nice réactive ce lien qui exista durant ces années pendant lesquelles les artistes niçois du Nouveau Réalisme ou Yves Klein rencontrèrent Fontana, Rotella et nombre d’autres italiens autour de Turin ou de Milan. Nice et l’Italie dans la même mouvance de l’exploration des formes et des territoires.
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